Il faudra appeler cela le «multiculturalisme extrême», comme il existe aussi des gauches et des droites extrêmes. Or, fait étonnant en raison de ce qu'on croit être la robustesse de la civilisation qu'a bâtie la France au fil des siècles, c'est chez elle que surgit la bête. Elle prend la forme d'un rapport qui, dans ses passages les plus emportés, propose ni plus ni moins que la destruction de l'identité nationale.

Face à cela, le multiculturalisme à la canadienne n'a qu'à aller se rhabiller...

Cette proposition de «refondation des politiques d'intégration», rendue publique il y a quelques jours, est un ouvrage auquel ont travaillé 250 collaborateurs. Que suggèrent-ils? «Ils n'aiment pas la France telle qu'elle est, ils la préféreraient sans son histoire, sans sa langue, sans ses rues, sans sa culture et sans son peuple», répond Le Point en un brillant résumé.

Bien entendu, le document est verbeux - 276 pages en cinq chapitres. Verbeux de cette novlangue vide et prétentieuse qui entend revoir les «paradigmes» au moyen d'une «approche transversale, pluridisciplinaire et horizontale» du «vouloir-vivre ensemble» pour «faire France» par la «reconnaissance à acter» dans la «remise à plat de l'Histoire».

Ah, l'Histoire! Elle est aplatie, en effet!

Quelles sont les «préconisations» (sic) du rapport en cette matière?

Voici: «Ce qu'il importe de connaître, ce n'est pas du tout le passé reconstitué avec un maximum de soin et d'exactitude, mais bien l'image que les hommes se font du passé». Bref, n'importe quoi, au goût du client. L'histoire de la France devra ainsi devenir un catalogue d'horreurs: esclavage, traite négrière, colonisations, guerres d'Algérie et d'Indochine, exclusion, racisme... des barbaries qu'il est impérieux d'enseigner en priorité à l'école et à la mémoire desquelles il faut construire des musées, rebaptiser des rues et lourdement grever le budget de l'État.

Inutile de dire que la langue française elle-même doit presque devenir une langue parmi d'autres en sol français, la nation devant assumer, là aussi, «la dimension arabe-orientale, comme afro-antillaise, océanindienne, mélano-polynésienne ou sud-est asiatique, de son identité».

***

Nous avons mille fois noté dans cette colonne l'acharnement que met la civilisation occidentale contemporaine à se détester elle-même, une perversion inédite dans l'Histoire. À ce point de vue, le nouveau plan proposé par ces ingénieurs sociaux éclairés étonne peu, semblable sur le fond aux idéologies fumeuses élaborées depuis des décennies dans les cafés de la rive gauche.

Que le document ait été immédiatement désavoué par les élites politiques (par le premier ministre Jean-Marc Ayrault, en particulier, qui l'avait pourtant commandé en juillet) ne change rien à l'affaire: il existe désormais un guide sophistiqué du suicide collectif par surdose de multiculturalisme.