Il s'agit d'une institution qu'on peut trouver très «vieille France», qui a commis des bourdes au cours de sa longue existence et de laquelle il est même arrivé qu'on se moque assez méchamment. Tout de même, voir Dany Laferrière accéder à l'Académie française, le saint des saints des Lettres depuis près de quatre siècles, ça fait un petit velours.

C'est bien sûr le cas au Québec, là où il a été connu par la télévision avant de commencer sa florissante carrière d'écrivain avec un roman, Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer, peut-être demeuré son oeuvre la plus célèbre. La joie a été grande aussi dans sa contrée natale, dont le président, Michel J. Martelly, a réagi sur Twitter, la chose à peine annoncée: «Haïti est fière de vous!»

L'élection a donc eu lieu, hier, chargée de déterminer lequel des six candidats, dont un adolescent de 15 ans, s'approprierait le fauteuil numéro 2, qui fut jadis occupé par Montesquieu, puis Dumas fils. Laferrière se trouvait à Port-au-Prince au moment où il a passé au premier tour par 13 voix sur 23.

C'est une première à deux points de vue, puisque l'écrivain est un Québécois, originaire d'Haïti, et qu'on n'avait jamais vu ni l'une ni l'autre nation être représentée parmi les 40 Immortels. L'Académie française, dont la tâche officielle consiste à revoir sans relâche le bon usage du français, ne peut être accusée d'audace et de précipitation excessives, en effet. La première femme admise en son sein, Marguerite Yourcenar, l'a été en 1980. Le premier Africain, Léopold Sédar Senghor, en 1983.

Outre son génie de l'écriture, Dany Laferrière est connu pour sa parole libre, sa grande simplicité, son peu de goût pour les protocoles.

Aussi, lorsqu'il sera officiellement reçu, sera-t-il intéressant de le voir revêtir la tenue d'apparat de l'Académicien, le fameux «habit vert» (qui, en réalité, est noir) et l'épée. De cet habillage aussi, il arrive qu'on se moque. Mais c'est bel et bien le costume d'une immense consécration.