Rarement la basilique Notre-Dame de Montréal aura-t-elle été témoin d'une cérémonie funèbre aussi grandiose et à la fois empreinte de simplicité. Ils sont venus par centaines du Québec, des autres régions du pays, et du monde, pour rendre hommage à Paul Guy Desmarais, fondateur de Power Corporation, décédé il y a deux mois.

M. Desmarais a bien sûr fait sa marque comme homme d'affaires. Cependant, ce n'est pas à cette réussite-là qu'on s'est attardé hier après-midi. Ceux qui ont pris la parole ont plutôt évoqué son indéfectible amitié, sa générosité aussi grande que discrète, son amour pour sa famille, son inépuisable curiosité intellectuelle, et son patriotisme.

Pour illustrer l'authenticité de l'homme, Brian Mulroney, a raconté avoir invité M. Desmarais à un souper privé avec la reine Elizabeth II, au 24 Promenade Sussex. Quelques jours plus tard, en visite dans la région de Charlevoix, M. Mulroney a aperçu le financier échangeant avec des ouvriers. «Ça m'a frappé, a confié l'ancien premier ministre. Il discutait aussi respectueusement avec ces ouvriers qu'il l'avait fait avec Sa Majesté.»

Jean Chrétien a parlé de l'homme de famille qu'il a découvert, en particulier quand sa fille France a marié un des fils Desmarais, André, aujourd'hui président du conseil de La Presse. «Je suis certain que Saint Pierre lui a ouvert toutes grandes les portes du Paradis».

L'ex-président de la France, Nicolas Sarkozy a livré un témoignage particulièrement émouvant, répétant: «Je l'aimais. Je l'admirais.»

Ayant oeuvré auprès de M. Desmarais pendant plus de 40 ans, le vice-président exécutif de Power, John Rae, a rappelé le sens de l'humour légendaire de son patron. «Lors d'un souper à Paris, quelqu'un lui a demandé: "Vous, les Canadiens, avez-vous beaucoup de plaisir à manger des grizzlys?" Et M. Desmarais de répondre: "Ce sont plutôt les grizzlys qui ont beaucoup de plaisir à nous manger!"»

Mémorables furent les hommages musicaux rendus par quelques-uns des protégés de M. et Mme Desmarais, notamment le jeune violoncelliste Stéphane Tétreault. Puis Yannick Nézet-Séguin a dirigé son Orchestre Métropolitain dans une interprétation magnifique de la sixième symphonie («Pathétique») de Tchaïkovski. S'en est suivi un silence long et lourd, comme si chacun réalisait soudainement l'immensité de la perte.

Mais Paul Desmarais est de ces hommes dont l'oeuvre et la personnalité sont trop exceptionnelles pour disparaître. C'est le message plein d'espoir qu'a livré une de ses filles, Sophie Desmarais, en lisant le célèbre poème de Mary Elizabeth Frye:

Ne vous tenez pas devant ma tombe en pleurant.

Je n'y suis pas, je ne dors pas.

Je souffle dans le ciel tel un millier de vents,

Je suis l'éclat du diamant sur la neige,

Je suis la douce pluie d'automne,

Je suis les champs de blé.

(...)

Ne vous tenez pas devant ma tombe en pleurant,

Je n'y suis pas. Je vis encore.