On compare volontiers la situation actuelle de Barack Obama à celle de George W. Bush après l'ouragan Katrina qui, en 2005, avait enfoncé le dernier clou dans son cercueil politique.

La réforme du système de santé s'est en effet transformée en tempête parfaite, elle aussi. Mais on peut plaider que l'enlisement de l'Obamacare est plus affligeant encore pour celui qui l'a créé et comptait en faire la signature de sa présidence.

Car rien n'a marché comme ça aurait dû:

• Seulement 106 185 citoyens ont choisi un plan d'assurance - sans nécessairement verser la première prime. Ceci rend illusoire l'objectif de sept millions d'adhérents en mars prochain, dans un contexte global où il faut rejoindre 30 millions de non assurés.

• L'informatique a lâché, on le sait. Et il douteux que la tuyauterie du site fédéral HealthCare.gov puisse être rafistolée d'ici la fin du mois, comme ça a été promis. (Les sites mis en ligne par quelques États ont mieux fonctionné.)

• Peut-être plus grave encore: des milliers de citoyens ont perdu la police d'assurance qu'ils détenaient et sont en état de panique. Hier, la Chambre des représentants a adopté une sorte de mise à jour destinée à régler ce problème, mais qui reste à être approuvée par le Sénat.

• Enfin, la sécurité des données personnelles amassées se révèle problématique: des tentatives d'intrusion et de piratage sont déjà signalées.

Face à cela, Barack Obama a choisi l'humilité et la contrition. «Déjà, en compagne électorale, j'avais dit que je ne suis pas un homme parfait et que je ne serais pas un président parfait...» a-t-il rappelé, ne niant pas qu'il s'agit d'un échec. Le sien.

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Il y a la politique. Puis il y a le monde réel.

D'une part, l'affaire détruit la confiance placée en Barack Obama et ébranle les démocrates, à l'intérieur du parti comme dans la population, alors qu'approchent les élections de mi-mandat au Congrès. Est-ce que cela annule les points gagnés lors du shutdown (la fermeture partielle de l'administration fédérale), en octobre, largement attribué à l'entêtement des républicains? Le calcul est pour l'instant impossible.

D'autre part, cette saga en dit long sur l'état de l'Union, pour ainsi dire. La réforme du système de santé est le fruit de compromis sur des compromis, élaborée dans la douleur sous la pression de puissants lobbies et d'une opinion publique souvent hostile à l'État. Une opinion en outre peu au fait du coût exorbitant, sans équivalent dans le monde, des soins de santé dans leur pays: 8508$US par habitant et 17,7% du PIB (OCDE, 2011. Au Canada: 4522$US et 11,2%). Malgré cela, de 10 à 15% des citoyens, par défaut d'assurance, y ont toujours peu accès.

Si ce monstre devait se révéler impossible à domestiquer et si les absurdes foires d'empoigne se perpétuent à Washington, on se demandera certainement si les États-Unis sont devenus ingouvernables.

Et la question sera pertinente.