C'est une affaire qui a toutes les caractéristiques d'un roman policier à saveur politique. Yasser Arafat est-il mort empoisonné au polonium 210? Et, si oui, qui est coupable? Toute théorie du complot est affriolante - et il n'en manque pas au sujet de tout et de n'importe quoi. Mais, en l'occurrence, c'est la science qui sème le doute et pose les questions.

En novembre 2004, le leader palestinien est décédé à l'âge de 75 ans dans un hôpital français. Il était subitement tombé malade dans son quartier général de Ramallah, en Cisjordanie, où il était virtuellement assigné à demeure. À ce moment, on n'établit pas la cause du décès. 

Il y a un an, sous la pression de sa veuve, Souha Arafat, le corps était exhumé et un examen des restes était pratiqué sous supervision suisse, française et russe.

Résultat? Les experts suisses ont trouvé dans ses restes (fémur et côtes) une quantité de polonium vingt fois supérieure à la normale.

Néanmoins, ce n'est pas clair.

Ce fait ne donne pas comme avérée la thèse de l'empoisonnement, lequel n'est que «raisonnablement» possible, affirment prudemment les scientifiques suisses. Les Russes écartent carrément cette possibilité. Les Français restent cois pour l'instant - ce qui mystifie un peu. Les Palestiniens concluent à l'empoisonnement et accusent Israël, qui nie formellement. Souha Arafat croit aussi au poison, mais soupçonne plutôt l'entourage de son mari.

On en est là.

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Pour voir les choses froidement, un empoisonneur éventuel devait disposer de trois choses. Un mobile. L'accès à Arafat. Du polonium.

Un mobile? Il n'en manque pas. L'inimitié éternelle, renforcée par la seconde Intifada, d'Israël à son endroit. L'animosité de diverses factions palestiniennes pour cause d'idéologie, de petite et de grande politique, ou même de corruption. L'exaspération des Européens et encore davantage des Américains, qui n'ont plus aucune confiance en lui. Et probablement d'autres possibilités encore.

L'accès? Théoriquement, Arafat n'était entouré à Ramallah que de ses lieutenants les plus sûrs. Mais cela n'écarte évidemment pas la possibilité d'une trahison - l'Histoire est pleine de ces fourberies.

Le polonium? Ça ne s'achète pas à la pharmacie du coin. L'élément radioactif est difficile à produire et extraordinairement coûteux. À considérer? La Russie manufacture la quasi-totalité de cette substance circulant dans le monde. Et on évalue à 25 millions$US la valeur de la dose de polonium 210 qui, en 2006, a tué l'ancien agent des services secrets russes, Alexandre Litvinenko...

Pour l'instant, le roman politico-policier s'arrête ici, sans chapitre final dévoilant l'identité du coupable. Et il est possible que ce chapitre ne soit jamais rédigé. Cependant, même si cela ne devait pas apporter de conclusion définitive à l'affaire, il serait souhaitable que les experts français livrent rapidement leurs conclusions.