Parmi toutes les activités de ce grand week-end de sports universitaires, les Redmen de McGill, champions canadiens de crosse, disputaient la finale canadienne au stade Molson, contre l'Université de Guelph, en Ontario.

Il s'agit de «crosse des champs», puisqu'elle se joue sur un terrain de football, et qui est assez différente de la crosse que nous connaissions, sur une patinoire de hockey, beaucoup plus robuste.

Justement, où est-elle cette crosse que les Québécois ont tellement pratiquée dans le passé? Où sont les Jean Cusson du troisième millénaire? Nous avions même une équipe professionnelle à une époque, les Québécois de Montréal. Ceux de ma génération ont déjà tâté la crosse en bois, qui est maintenant en aluminium et en plastique.

Disparue ou à peu près, pratiquée dans deux ou trois écoles secondaires, discrètement dans les universités.

La crosse des champs, par contre, est un sport très présent dans les écoles et universités de la Nouvelle-Angleterre. Ce qui fait que la moitié des Redmen sont des Américains, l'autre moitié des athlètes de l'Ontario. Aucun n'est de Montréal ou du Québec.

Max Molloy est étudiant et gérant de l'équipe. Il nous vient de Pittsburgh...

«Les Américains viennent ici parce que nous recevons une bonne éducation à un très bas prix. Ça n'a rien à voir avec les droits de scolarité aux États-Unis.

«Nous commençons à jouer en sixième année. La crosse - il dit field lacrosse - est un sport de la côte Est qui commence à s'exporter à l'Ouest.

«Je suis étonné de voir qu'il n'y a pas de ligue de crosse à Montréal. En Ontario oui, mais je n'arrive pas à en trouver une ici. J'aimerais bien jouer.»

Simon Pelletier, étudiant et trésorier de l'équipe: «Il est question d'une ligue universitaire au Québec, mais les Québécois préfèrent le soccer et le football.

«Au secondaire, il y a une école à Saint-Hyacinthe qui essaie de faire revivre la crosse. Et une ou deux écoles à Laval. Mais ce n'est pas très répandu.

«Les Amérindiens, par contre, jouent toujours autant.»

La crosse des champs a changé depuis notre vieux temps. Les défenseurs ont des bâtons très longs, les gardiens n'ont presque pas de protection, de curieux règlements régissent le jeu. Une chose n'a pas changé: la crosse est toujours un sport robuste et spectaculaire. On a le droit de brutaliser son adversaire de bien des façons, sauf à la tête...

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Le spectacle de dimanche valait le déplacement. McGill défendait son titre canadien contre un adversaire inattendu, les Gryphons de Guelph. Personne n'avait vu venir les Gryphons, on s'attendait plutôt à la grande puissance ontarienne, l'Université Brock, une dizaine de fois championne nationale.

D'un côté, nous avions les Redmen, impeccables dans leurs uniformes rouge et blanc. De l'autre, les country boys de Guelph, une institution spécialisée en agriculture. Les Gryphons portaient des uniformes dépareillés, leurs partisans étaient dominés par ceux des Redmen.

Quelques centaines de personnes faisaient du bruit comme un millier, le soleil était radieux.

Un match superbe où les deux équipes ont tour à tour pris l'avance jusque dans les dernières minutes de jeu.

Résultat final: Guelph 14, McGill 12.

Nous avons tous retenu notre souffle quand un des visiteurs a reçu un lancer sur la nuque et est immédiatement tombé, comme un boxeur K.-O. Il est resté longtemps au sol et, en fait, ne s'est jamais relevé. Il est parti en civière, puis en ambulance. Aux dernières nouvelles, il souriait et allait bien s'en remettre. Mais il nous a fait peur.

Vous imaginez la joie des Gryphons, les négligés des négligés, après avoir battu les champions dans leur stade, devant leurs partisans...

Ils en parleront longtemps autour des bottes de foin ontariennes.