Le gala de l'ADISQ célèbre la chanson francophone, faut bien que quelqu'un le fasse. Dimanche soir, le héros de la soirée, Louis-Jean Cormier, a dit qu'il ne fallait pas écouter de la musique francophone par compassion. Il n'a vraiment pas à s'inquiéter, je trouve, c'est rare que les gens écoutent de la musique par compassion comme d'autres, par exemple, se forcent à boire du vin par compassion, un peu plus cher et un peu moins bon, mais c'est du vin québécois. Ou du fromage québécois.

La chanson, ça marche pas comme le fromage. Ça marche plutôt comme la saucisse: plus de monde en mange parce que... plus de monde en mange. Et en parle. Et cela ne s'applique pas seulement aux chansons nulles qu'on entend dans les radios publiques.

Cela s'applique aussi à Lou Doillon, par exemple.

Il est quand même amusant de relever que pendant qu'on faisait l'éloge de la chanson francophone «de qualité» (sic), la fille qui tourne le plus au Québec en ce moment et précisément chez les gens qui trippent chanson de «qualité» (resic), la fille qu'on entend le plus sur le Plateau ces jours-ci est une francophone qui chante en anglais, Lou Doillon. La fille de Jane Birkin, la demi-soeur de Charlotte.

Comme j'aime bien Jane et Charlotte, je me suis dit: pourquoi pas deux sans trois. Et voilà mon vieux, maintenant, j'aime bien Lou aussi, comme tout le monde pour ICU (la première toune du CD) et pour le texte de Places, mais bon, n'exagérons rien, je ne capote pas tant que ça non plus. Disons que c'est de la saucisse de la Queue de cochon plutôt que de la Hygrade. On est loin quand même des textes de Camille ou de Vincent Delerm. De Patti Smith ou de Laurie Anderson avant qu'elle ne devienne folle. Anyway.

Revenons à ma question: pourquoi Lou Doillon en anglais et pas (ou presque pas) les soeurs Boulay?

Posons la question autrement. Pourquoi un vieux monsieur comme moi qui n'est plus du tout dans le buzz, s'il ne l'a jamais été, pourquoi le croulant que je suis a cependant acheté le CD de Lou Doillon mais pas celui des soeurs Boulay?

Parce que je pensais que c'était les petites filles d'Isabelle. Ben non, c'est une blague. La réalité est moins comique: parce que je n'avais jamais entendu parler des soeurs Boulay avant ce matin.

C'est sûr que j'ai pas, comme vous, toujours le nez dans mon iPad. J'y vais juste pour les résultats de la NFL, de la NBA et de la NHL. N'empêche, j'avais entendu assez de Lou Doillon pour aller l'acheter.

Des soeurs machin, rien. Pas une fois à la radio. Je l'achèterais bien par compassion, mais Louis-Jean Cormier dit qu'y faut pas.

LOU REED - Ma bible du rock consacre six pages à Lou Reed, qui vient de mourir: esthète et dandy, il a incarné un concentré des pires cauchemars américains, drogues, provocations extrêmes, scandales, décadence, pulsions suicidaires qu'illustrent ses grands succès, notamment Walk On The Wild Side et Heroin.

Même quand ils sont très bien faits comme celui-ci, il arrive aux dictionnaires de passer à côté du mot qu'il fallait dire en tout premier lieu: poète. Si la poésie nous apprend à respirer autrement, à dire autrement, à vivre autrement, à mourir autrement, alors Lou Reed est d'abord un poète.

Lou Reed avait mon âge, mais pas vraiment. C'est curieux, l'âge. On croit qu'il avance une année à la fois. Pas toujours. Moi, par exemple, j'ai eu 20 ans à 40. À 25, quand Lou Reed a fondé le Velvet Underground, j'avais autour de 88 ans, j'écoutais Yves Montand, Guy Béart, les Frères Jacques, Brassens, bref j'étais un petit mononcle un peu moribond. Et j'étais bien parti pour passer à côté de toute la culture rock. S'il n'en avait tenu qu'aux Beatles qui me tombaient formidablement sur les rognons, je serais passé à côté de Patti Smith, à côté de William Burroughs, et même de Genet, de Rimbaud, eh oui je suis venu (OK, revenu) à Rimbaud par Patti Smith qui, elle-même, n'eût pas existé sans le Velvet de Lou Reed.

Tout ça pour dire qu'une chanson - mettons Walk On The Wild Side - peut vous renvoyer au temps où vous l'écoutiez; la poésie, elle, peut vous renvoyer à un âge que vous n'auriez jamais eu sans elle.

LUXEMBOURG - Il est rare, contrairement à vous, que la moutarde me monte au nez en lisant mon journal, mais là, j'étais furieux. Vous savez sans doute l'affection que je porte au Luxembourg. J'y passe mes vacances chaque année. J'y chassais la sarcelle il n'y a pas 15 jours, bref je suis LE spécialiste du Luxembourg, j'ai proposé plein de reportages à mon journal sur le Luxembourg: tous refusés. Rien à foutre du Luxembourg.

L'autre jour, comme tous les jours, j'ouvre le cahier Affaires de mon journal pour aller y faire le Sudoku en page 4, et sur quoi je tombe? Une pleine page sur le Luxembourg. Le titre: Le Luxembourg doit se réinventer.

Se réinventer! N'importe quoi. Voulez-vous que je dresse ici la liste de tout ce que le Luxembourg a déjà inventé? La brouette, la petite cuillère, le peigne, le ballon, la chaise, je continue? Et maintenant, il aurait à se réinventer lui-même?

Est-ce parce que le Luxembourg est catholique à 95% qu'on se permet de l'insulter? Je pose la question, c'est tout, je n'ai pas parlé de la Charte ni rien.

EXCUSES - Je me suis souvenu tout d'un coup que j'avais une boîte vocale à La Presse. Il faut que je vous dise un truc: je ne relève pas mes messages souvent. Je lis tous mes courriels, mais j'oublie cette fichue boîte vocale pendant des mois et des mois. Je l'ai vidée ce matin.

Premier message, celui de cette dame: Bonjour, monsieur, nous sommes le 9 mai, je viens de lire votre chronique sur les gais...

Ciel! Le 9 mai! De quelle année, madame? Mes excuses.

Tout particulièrement à M. Blackburn, de Chicoutimi, un collègue du journal Le Quotidien, à Jean Éon, à madame Monique Coupal, et à tant d'autres. Désolé. Je vous dirais bien que je ne recommencerai pas, mais rien n'est moins sûr.