Voulez-vous votre tarte aux pommes chaude ou froide? Avec ou sans crème glacée? Ou peut-être avec une petite pointe de cheddar?

C'est ça, la campagne électorale municipale à Montréal. Une campagne de tarte aux pommes. Les quatre principaux candidats sont tous pour le transport en commun, pour la qualité de vie, pour les pistes cyclables, pour la démocratie et l'intégrité, pour l'efficacité de la gestion, et contre des hausses de taxe au-delà du taux d'inflation. Tout le monde est pour la vertu. Avec des nuances, bien sûr, tout le monde dit la même chose.

Je soupçonne que cela ne dérange pas beaucoup les électeurs montréalais, qui ne s'intéressent pas vraiment aux programmes des partis municipaux, encore moins aux partis eux-mêmes, qui n'ont pas, sauf Projet Montréal de Richard Bergeron, de tradition ancrée ou de personnalité propre.

Ce que les électeurs regardent de plus près, ce sont les candidats à la mairie. Ils essaient de décoder leurs attitudes, leur façon de s'exprimer, leur langage non verbal, leurs réactions aux événements pour voir s'ils sont intègres, s'ils ont des qualités de leadership, s'ils peuvent mener la barque montréalaise, s'ils seront capables de livrer la marchandise.

Il s'agit essentiellement d'une campagne de type présidentiel, où les gens cherchent à choisir le meilleur maire ou la meilleure mairesse.

Cette quête mène essentiellement à une campagne d'image et de visibilité, ce qui explique entre autres le succès de Mélanie Joly, malgré le vide de son programme, et l'échec de Marcel Côté, malgré le bagage qu'il apporte au débat municipal.

Naïvement, je croyais que le débat sur l'économie de lundi soir, organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et RDI, en raison du caractère concret des termes abordés - fiscalité, chômage, gouvernance - porterait davantage sur les idées. Mais on y a assez peu parlé d'économie. Les candidats ont rappelé leurs engagements, qu'ils soient pertinents ou non au débat, et se sont surtout servis des thèmes économiques pour vendre leur image.

Cette campagne d'image, plutôt que de contenu, prend maintenant des accents surréalistes, parce que les jeux sont faits. Nous savons bien que Denis Coderre sera élu maire, quoique nous ne connaissions pas la composition du conseil municipal.

En la personne de Denis Coderre, les Montréalais n'ont pas le candidat idéal dont ils rêvaient, eux qui, depuis Jean Drapeau, rêvent de retrouver un maire à la hauteur de la métropole. Mais

M. Coderre dispose de qualités certaines, une bonne expérience politique, des talents d'écoute et une aptitude au dialogue, mais aussi une force de caractère et une capacité de se battre.

Cet atout majeur, qui manquait à Gérald Tremblay, est essentiel pour que le maire de la métropole puisse établir un rapport de force face à un gouvernement québécois qui ne lui fera pas de cadeaux.

C'est dommage pour Marcel Côté, qui a une vision du développement de la ville et qui a eu le courage d'insister sur un thème peu vendeur, le caractère archaïque et dysfonctionnel de l'administration municipale. Mais il ne suffit pas d'avoir les aptitudes pour être maire, il faut aussi avoir les aptitudes pour le devenir.

Si les jeux semblent faits, les trois candidats qui seront vraisemblablement défaits ont un rôle important à jouer dans les onze jours de campagne qui restent, et c'est de forcer Denis Coderre à préciser ses idées, et à l'amener, par le débat, à devenir un meilleur maire.