«Il est temps d'aller voir ce que le sous-sol québécois contient, et seuls des forages exploratoires permettront de répondre à cette question», peut-on lire dans le document de politique économique publié la semaine dernière par le gouvernement de Pauline Marois. La logique est incontestable: avant de décider si la province doit ou non se lancer dans la production du pétrole, il faut savoir quelle envergure ont les gisements de l'île d'Anticosti, de la Gaspésie et du golfe du Saint-Laurent.

Il est étonnant que ce même raisonnement ne soit pas appliqué au gaz de schiste. On sait que dans le cas du gaz, le gouvernement a imposé un moratoire de cinq ans non seulement sur l'exploitation, mais aussi sur l'exploration. Autrement dit, il a décidé de se priver des informations cruciales que seuls des forages exploratoires pourraient fournir. Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement doit prochainement se pencher sur cette filière, mais il le fera dans l'ignorance de la quantité de gaz que contient le sous-sol de la vallée du Saint-Laurent.

Un peu partout dans le monde, on partage les inquiétudes des Québécois face au procédé utilisé pour extraire le gaz de schiste, la fracturation hydraulique. Cependant, rares sont les endroits où l'on a interdit la simple exploration. La France est l'une de ces exceptions. Là, ce n'est pas un moratoire qu'on a mis en place, mais une interdiction permanente. Ce pays, qui importe 99% du gaz naturel qu'il consomme, a donc renoncé à développer ses propres ressources gazières avant même d'en connaître l'envergure.

En Grande-Bretagne aussi le gaz de schiste est controversé. Néanmoins, le gouvernement de David Cameron a pris parti pour le développement prudent de cette source d'énergie, à commencer par une phase d'exploration. Londres s'appuie notamment sur un rapport de la Royal Academy of Engineers selon lequel «les risques à la santé, à la sécurité et à l'environnement associés à la fracturation hydraulique peuvent être gérés efficacement en autant que les meilleures pratiques de production sont implantées et contrôlées par voie règlementaire.»

C'est cette avenue qu'aurait dû emprunter le Québec. Il s'agissait de permettre un nombre limité de forages d'exploration, sous haute surveillance environnementale et scientifique.

La différence d'approche pour le pétrole et pour le gaz est d'autant plus étonnante que le gouvernement Marois vise l'indépendance énergétique du Québec. Or, la province «importe» du reste du pays presque tout le gaz naturel qu'elle consomme, pour une valeur de 1,4 milliard.

«La réalisation de travaux de forage exploratoires est la seule façon permettant de confirmer le type d'hydrocarbures présents et d'en quantifier le volume du réservoir», affirme le gouvernement dans sa politique économique. Si c'est vrai pour le pétrole de schiste, ça devrait l'être aussi pour le gaz.