Dans quatre petites semaines, les Montréalais se réveilleront avec un nouveau maire et entameront, du moins tout le monde le souhaite, une nouvelle ère.

Tous les candidats en lice promettent des changements dans la façon de gouverner la Ville, mais une chose risque toutefois de demeurer inchangée: le manque de coordination chronique entre le gouvernement du Québec et sa plus grosse "créature", la métropole de la province.

Nous voyons quotidiennement, ces temps-ci, des exemples de ce manque de coordination et ses répercussions sur les décisions cruciales pour Montréal. C'est particulièrement vrai en matière de transports, secteur névralgique qui, pourtant, semble être géré à la petite semaine.

La nouvelle n'a pas eu le retentissement prévisible parce qu'elle a été écrasée par la sortie publique d'André Boisclair, il y a une semaine, mais elle était néanmoins importante: le ministre des Affaires municipales et des Transports, Sylvain Gaudreault, était de passage à Montréal pour annoncer l'intention de son gouvernement de dépenser 84 millions pour doubler le nombre de voies réservées aux transports collectifs.

En soi, c'est une excellente nouvelle, mais où et comment cadre-t-elle dans les plans des aspirants maires, et de leur équipe, qui ont chacun leurs priorités en matière de transports et ne se privent pas d'annoncer jour après jour leurs engagements?

Cette ville est déjà suffisamment difficile à gouverner, ne serait-il pas plus simple d'attendre que la nouvelle administration soit en place pour tenter d'accorder les violons de Québec et de Montréal? Plus simple, plus efficace et plus respectueux des Montréalais qui éliront leurs dirigeants municipaux. Comment peut-on, de toute façon, élaborer des plans complexes de transports collectifs, notamment, en y allant pièce par pièce, au gré de priorités divergentes ou, comme c'est le cas en ce moment, en fonction des intérêts électoraux du parti au pouvoir à Québec?

Changement de culture

Le moment serait assez bien choisi pour changer non seulement la culture politique de Montréal, mais aussi, pourquoi pas, le modus operandi entre les deux ordres de gouvernement. En ce moment, et depuis trop longtemps, c'est le règne des deux solitudes entre le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal. Les deux ordres de gouvernement fonctionnent en silo, comme on dit dans le jargon bureaucratique, et peu importe la couleur du gouvernement à Québec, Montréal subit régulièrement les décisions unilatérales de celui-ci.

La multiplication prévue des voies réservées est un cas patent. Le dossier du nouvel échangeur Turcot, ces dernières années, en est un autre. Dernièrement, il y a eu aussi l'annonce, par Québec, du prolongement de la ligne bleue du métro.

Entre les décisions ou les engagements de Québec, les promesses des candidats à la mairie, les priorités des arrondissements, c'est la cour des Miracles, cette ville!

Quant au projet de remplacement du pont Champlain, c'est encore plus complexe, puisqu'il faut ajouter une autre couche, le gouvernement fédéral.

Comme si la relation Québec-Montréal n'était pas assez ardue, on a aussi assisté récemment à des interventions inusitées du gouvernement Marois dans des dossiers montréalais, en particulier le désaveu du projet de Centre de compostage dans Saint-Michel en pleine campagne électorale. Québec, avec ses gros sabots, saute à pieds joints dans les plates-bandes de la Ville!

Idem pour les programmes de rétention des familles et de développement de logements sociaux. Les aspirants maires y vont de leurs engagements, concurremment à Québec, sans plan, dans une atmosphère électorale, si bien qu'une chatte n'y retrouverait plus ses petits. L'objectif du ministre responsable de la métropole, Jean-François Lisée, de garder les jeunes familles dans l'île est louable, mais comment compte-t-il y arriver depuis sa tour d'ivoire, à Québec?

Dernier élément, mais non le moindre, d'incompréhension mutuelle entre le gouvernement Marois et la faune municipale montréalaise: le projet de Charte des «valeurs québécoises», en particulier l'interdiction du port de symboles religieux dans la fonction publique, unanimement rejetée par les équipes en lice pour l'élection du 3 novembre.

Depuis des décennies, le gouvernement du Québec gouverne trop souvent contre Montréal, nuisant ainsi à l'ensemble du Québec. Le train ne peut prendre de vitesse quand on ralentit systématiquement sa locomotive.

Malheureusement, la carte électorale joue contre Montréal. Les deux principaux partis à Québec n'attendent rien de Montréal. Toujours le même topo, élection après élection: grosso modo, rouge à l'ouest du boulevard Saint-Laurent, bleu à l'est, avec deux petites touches orange sur le Plateau.

On aura bientôt un nouveau maire, mais il faudra bien plus pour réparer la relation Québec-Montréal.

Pour joindre notre chroniqueur: vmarissal@lapresse.ca