L'Office national de l'énergie (ONÉ) entreprend demain les audiences publiques sur le projet de renversement de l'oléoduc de la compagnie Enbridge entre l'Ontario et le Québec. Bien qu'il s'agisse d'un pipeline existant (le 9b), le projet suscite des inquiétudes parce que la capacité de l'ouvrage sera augmentée - de 240 000 barils par jour à 300 000 barils par jour. De plus, le pétrole qui sera transporté à Montréal viendra en bonne partie des sables bitumineux albertains.

On ne craint donc pas seulement d'éventuels déversements, mais aussi le développement accéléré des réserves de l'Ouest et l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre produites par les deux raffineries du Québec. L'identité du promoteur, Enbridge, n'est pas de nature à rassurer, compte tenu de la fuite catastrophique survenue à l'un de ses oléoducs il y a trois ans, dans la rivière Kalamazoo, au Michigan.

L'envergure et la rigueur de l'examen que fera l'ONÉ du projet seront déterminants pour son acceptabilité sociale. Nous avons quelques appréhensions à cet égard.

Des changements apportés l'an dernier à la Loi sur l'Office national de l'énergie l'invitent à limiter le nombre de groupes et personnes participant aux audiences publiques. Désormais, seuls peuvent être entendus ceux qui sont «directement touchés» par un projet et ceux qui possèdent «des renseignements pertinents ou une expertise appropriée». D'aucuns croient que cette nouvelle règle circonscrira indument la participation publique.

Dans le cas des audiences sur le renversement de l'oléoduc 9b, 177 individus et groupes ont demandé à être entendus. L'ONÉ en a admis 158, tandis que 11 ont été limités à une présentation écrite. Huit personnes ont été écartées parce que rien n'indiquait qu'elles seraient affectées par le projet. L'Office a donc laissé grandes ouvertes les portes des audiences, et c'est tant mieux. Néanmoins, les critères employés ne sont pas très clairs. On se demande, par exemple, en vertu de quel raisonnement l'organisation écologiste Sierra Club du Canada a été limitée à un mémoire écrit tandis qu'une autre, Équiterre, a été admise comme participante à part entière.

Un fait plus inquiétant : l'ONÉ a donné une interprétation étroite de son mandat dans ce dossier. L'organisme fédéral fait remarquer qu'il «ne réglemente pas de questions en rapport avec des sujets comme les changements climatiques ou la mise en valeur des sables bitumineux.» Pourquoi donc, puisqu'il affirme du même souffle vouloir évaluer «les effets environnementaux cumulatifs éventuels» que la réalisation du projet pourrait causer?

Surtout, ces deux questions sont au coeur des préoccupations de nombreux Canadiens à l'égard du renversement de cet oléoduc. En les excluant de son champ d'examen, l'ONÉ sape la crédibilité de ses conclusions auprès de cette partie de la population. Il n'est pas trop tard ; les commissaires doivent se raviser.