Il était tôt, mercredi matin, lorsque le chef libéral Philippe Couillard a regardé par la fenêtre de son condo de Québec pour voir si son chauffeur était arrivé.

Pas de limo, mais un type en costard qui arpentait le stationnement. M. Couillard n'a pas réalisé qu'il s'agissait d'un policier. Ce n'est qu'en sortant, lorsqu'il a vu le grand type et sa collègue se pointer devant lui en exhibant leur insigne de la Sûreté du Québec (SQ), qu'il a compris que sa journée allait commencer d'une bien drôle de façon.

Selon des sources fiables, ils sont remontés au condo, en présence de la femme de M. Couillard, pour "discuter" de financement passé au Parti libéral du Québec (PLQ). Des questions, aussi, sur d'anciens employés ou organisateurs qui ne travaillent plus pour le PLQ.

Aucune question directe sur le comportement du chef, dit-on. Un café avec visiteurs imprévus, quoi.

N'empêche, ça la fout mal pour le chef libéral et tout son parti, qui se retrouvent de nouveau plongés dans des histoires nauséabondes de financement.

Ce n'est pas le directeur général des élections qui voulait rencontrer M. Couillard, c'est la police. UPAC, Marteau, SQ, appelez-les comme vous voudrez, peu importe la couleur du "badge", ce sont des flics et ils ne s'intéressent pas aux légers accrocs au financement des partis politiques, ils cherchent des témoignages et des preuves pour fonder d'éventuelles accusations sur des bases solides.

En se lançant dans la course à la direction du Parti libéral du Québec, l'an dernier, Philippe Couillard savait qu'il hériterait d'un parti hypothéqué par les scandales d'un passé récent, par les enquêtes policières et par la commission Charbonneau. Il ne s'imaginait probablement pas, toutefois, sortir de chez lui et tomber face à face avec des enquêteurs de police.

Au PLQ, les plus lucides savent que les prochains mois, peut-être même les prochaines semaines, s'annoncent difficiles. Des arrestations sont à prévoir et la barque libérale va devoir encore une fois traverser une méchante tempête. Ce scénario ne fera que gonfler les rumeurs d'élections hâtives, déclenchées directement ou indirectement par le gouvernement Marois dès cet automne. Mieux vaut, pour le Parti québécois (PQ), profiter de l'élan provoqué par le débat sur la Charte des «valeurs québécoises» et partir en campagne sur fond de malversations libérales que d'attendre le prochain budget, qui s'annonce très difficile, et d'éventuelles révélations touchant aussi le PQ devant la commission Charbonneau.

On apprendra peut-être d'autres détails intéressants des enquêtes de l'UPAC. Peut-on présumer, par exemple, que si les enquêteurs "rencontrent" le chef actuel, Philippe Couillard, ils ont aussi eu un entretien avec son prédécesseur, Jean Charest? La chose, en tout cas, semble plausible.

Voilà pourquoi, dans ce climat de suspicion permanent, Philippe Couillard a commis une erreur, l'été dernier, en taisant la perquisition de l'UPAC au quartier général du PLQ, à Montréal.

Il semble que ses conseillers l'aient convaincu de ne pas révéler l'affaire, sous prétexte que cela pourrait nuire à l'enquête, mais cela n'aura donné, en définitive, que l'impression que le PLQ reste une machine opaque aux mécanismes de défense classiques basés sur un manque de transparence chronique et volontaire. Comme le "boni" salarial de Jean Charest (75 000$ secrets versés au chef par le PLQ pendant 10 ans), comme les histoires de garderies à l'époque de Tony Tomassi, comme ce petit-déjeuner de financement dans un resto de Laval avec une ministre libérale et des membres de la mafia, comme cette complaisance envers des députés tout juste réélus qui abandonnent leur poste avec une généreuse allocation de transition.

Comme cette lettre du député Pierre Marsan, dévoilée cette semaine, à des organismes juifs auxquels il demandait de l'argent, en rappelant l'octroi de permis de garderie...

Il semble que Philippe Couillard ait appris rapidement de ces erreurs, cette semaine, en décidant dès hier matin de rendre public son entretien avec les enquêteurs de Marteau.

L'épisode démontre toutefois à quel point le PLQ est fragilisé. La réaction de certains députés libéraux, outrés d'avoir été tenus dans l'ignorance l'été dernier après la perquisition, est aussi un sérieux avertissement au chef libéral. Il est rare, au sein du PLQ, et encore plus au sein du caucus libéral, que la colère et l'inquiétude menacent la belle unanimité des troupes.