Au mieux, Barack Obama a manqué d'égards pour son unique allié dans une éventuelle intervention militaire contre la Syrie.

Au pire, il lui a infligé une humiliante gifle, le plaçant dans une situation politiquement intenable.

Les médias français ne sont pas tendres pour le président des États-Unis, depuis qu'il a annoncé son intention de consulter le Congrès avant de lancer des frappes militaires contre le régime de Bachar al-Assad.

«Obama piège Hollande», titre Libération dans son numéro d'hier. «Hollande piégé», renchérit le Figaro. «La présidence prise à contre-pied par la décision américaine», rajoute Le Monde.

Où est le piège? D'abord, dans un calendrier imposé unilatéralement par Barack Obama, donnant l'impression que le président Hollande est à la remorque des États-Unis. Et l'exposant aux critiques de l'opposition.

Celle-ci est d'ailleurs rapidement entrée dans cette brèche, réclamant que l'attaque contre la Syrie soit soumise au vote du Parlement, comme cela a été le cas en Grande-Bretagne. Et comme ce sera le cas la semaine prochaine à Washington.

Techniquement, la Constitution française n'oblige pas le président français à consulter les élus avant de déclencher une offensive militaire. Mais devant ces deux exemples, la pression est forte. La France peut-elle être le seul pays à partir en guerre sans tâter le pouls des élus?

Or, avec une opinion publique majoritairement opposée à cette guerre, l'issue d'un éventuel vote parlementaire est pour le moins incertaine. «La France s'est retrouvée dans une situation extrêmement difficile et aberrante», déplore Vincent Desportes, chercheur en stratégies militaires à Sciences Po.

Selon lui, François Hollande était absolument convaincu de l'imminence des frappes, et il tenait cette certitude du président américain lui-même. C'est pour cette raison qu'il a réitéré son intention de participer à l'attaque, dans une entrevue au ton très déterminé accordée au Monde, vendredi dernier.

Pourtant, quand Barack Obama a pris tout le monde par surprise, samedi, il n'a pas mentionné une seule fois son allié le plus indéfectible, la France, s'insurge Vincent Desportes. «C'est insupportable, entre alliés, ça ne se fait pas.»

Fragilisé sur le plan intérieur, isolé sur le plan extérieur, le gouvernement français essayait de recoller les pots cassés, hier. Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a rencontré les représentants parlementaires de tous les partis, pour les convaincre d'appuyer les frappes. Son bureau a aussi publié des notes de renseignement déclassifiées sur le programme chimique syrien, selon lesquelles le régime Assad serait en possession de 1000 tonnes d'agents neurotoxiques. Et a bel et bien utilisé cet arsenal contre son propre peuple, le 21 août.

Et puis, son gouvernement persiste et signe: il y aura bel et bien débat, demain, à l'Assemblée nationale, sur la question de l'attaque contre la Syrie. Mais malgré les demandes de l'opposition et de quelques députés socialistes, pas question de soumettre la décision au vote.

Reste à savoir si ce refus résistera à la pression. «Le président a tout pouvoir pour faire la guerre. Mais peut-il aujourd'hui être le seul chef d'État à user de la force sans un vote de la représentation nationale?», demande Libération.

En attendant, ces tergiversations écorchent la crédibilité des grandes puissances, dénonce Vincent Desportes.

Et ce n'est sûrement pas la meilleure façon de "vendre" une intervention militaire anti-Assad au grand public, opposé à plus de 60% aux frappes militaires.

«Je ne comprends pas où on va, j'ai l'impression qu'on veut s'engager dans un conflit non maîtrisé, qui peut durer des années, comme en Afghanistan et en Irak», s'inquiète le serrurier parisien Michel Marciano.

Un sentiment de confusion assez représentatif de ce que m'ont dit plusieurs Parisiens croisés hier. Aller en Syrie pourquoi, pour combien de temps, pour atteindre quels objectifs? Pendant que les gouvernements hésitent, la population, elle, ne suit pas.