L'exercice est quelque peu cruel pour les individus visés, mais pour constater de visu les effets dévastateurs de l'exercice du pouvoir sur les leaders politiques, il suffit parfois de comparer leurs photos ou leurs vidéos sur une période de temps choisi.

Un genre de «avant et après» au résultat souvent spectaculaire et très révélateur. Jetez un oeil sur Barack Obama de 2008 sur YouTube et comparez avec aujourd'hui...

Il est plus délicat, je sais, d'appliquer le même procédé à une femme politicienne, mais j'étais néanmoins curieux de voir si la première année de pouvoir de Pauline Marois se lisait dans ses traits.

Je n'ai évidemment pas poussé l'étude morphologique très loin, mais il me semble que Mme Marois résiste plutôt bien, elle qui a pourtant connu une année éprouvante. Faut dire que Pauline Marois ne l'a jamais eu facile et qu'elle a une certaine habitude avec l'adversité. Mais tout de même, du Métropolis à Lac-Mégantic, son parcours de première première ministre du Québec à la tête d'un gouvernement minoritaire n'a pas été de tout repos.

En fait, l'attentat du Métropolis et la catastrophe de Lac-Mégantic ont démontré que Pauline Marois a une force de caractère et un ressort exceptionnels pour réagir aux coups durs imprévus. Par contre, le reste de son bilan de l'an 1 prouve que pour mener son équipe gouvernementale au jour le jour, suivant un plan de gouvernance défini, c'est plus ardu.

Voilà bien le problème de Mme Marois, après un an au pouvoir: il est difficile, entre les reculs et les hésitations, de voir où s'en va son gouvernement. Les crises définissent souvent le caractère des leaders, mais leur héritage se construit sur la persévérance, la détermination et les réalisations durables.

Bien sûr, un an, c'est trop peu pour laisser derrière soi un héritage complet. De plus, autres circonstances atténuantes pour Mme Marois, elle dirige un gouvernement minoritaire et elle a hérité de finances publiques en mauvais état. Soit, mais les nombreux reculs du début de mandat auront malheureusement donné le ton à ce gouvernement hésitant et brouillon à la limite, parfois, d'un amateurisme inquiétant.

La taxe santé, le projet de loi édulcoré sur les redevances minières, le dégel des tarifs d'électricité, des compressions imprévues, la réforme adoucie de la loi 101, la liste des promesses brisées ou à moitié tenues est longue et il serait trop facile de tout mettre sur le compte du gouvernement minoritaire. Encore ces derniers jours, les débuts difficiles des «maternelles 4 ans» et le report des nouveaux services offerts par les pharmaciens dénotent une improvisation certaine à Québec.

Il y a eu, aussi, quelques bons coups, à commencer par la résolution pacifique de la crise étudiante qui a secoué le Québec pendant une bonne partie de l'année 2012. En réalité, Pauline Marois et son ministre Pierre Duchesne (plutôt discret, mais solide) ont mis les étudiants dans leur petite poche en multipliant les comités, les études, les consultations. Le bon vieux truc...

Les annonces du retrait du soutien gouvernemental à l'industrie de l'amiante et de la fermeture prévue de la centrale Gentilly manquaient d'élégance, mais ce sont néanmoins de bonnes décisions.

Par ailleurs, l'abaissement des dons aux partis politiques, les élections à date fixe et les lois sur l'octroi des contrats publics ou sur la destitution des maires accusés au criminel ont fait mouche, malgré quelques anicroches.

Pauline Marois a bâti son programme sur quatre piliers: intégrité, solidarité, fierté et prospérité.

Le volet "intégrité" a été rapidement couvert, un peu comme l'avait fait Stephen Harper dans les premiers mois de sa première année au pouvoir. Il fallait, à Ottawa comme à Québec, «passer la moppe» sur les dégâts du régime précédent.

Au chapitre de la solidarité, le gouvernement Marois s'est mis à dos sa propre clientèle par ses coupes dans les programmes d'aide sociale et dans les CPE.

Le gouvernement péquiste a aussi bien lâchement refilé une hausse substantielle de taxes scolaires à des centaines de milliers de contribuables, après avoir laissé entendre qu'il imposerait un ménage dans les finances des commissions scolaires.

C'est clairement avec le troisième volet, la "fierté", que Pauline Marois veut relancer son gouvernement et, idéalement, mener son parti en territoire majoritaire.

Au-delà des principes, les manoeuvres politiques entourant le projet de charte des «valeurs québécoises» sont, en ce sens, cousues de fil blanc: elles visent à embarrasser les libéraux de Philippe Couillard et à faire réagir le reste du Canada, deux objectifs largement atteints à ce jour. On verra bien les détails de ce projet de charte la semaine prochaine, mais à en juger par les réactions fortes au Québec, elle divise déjà et la division, c'est bien connu, s'avère parfois une stratégie électorale payante. Stephen Harper est abonné à cette stratégie et c'est avec elle que Karl Rove, cerveau des Bush, père et fils, a construit sa légende.

Accessoirement, ce troisième volet fait aussi écran devant le quatrième, la prospérité.

À la pause de juin, Pauline Marois vantait son bilan en affirmant que le «Québec s'était remis en marche».

Il est vraiment trop tôt pour tirer une conclusion aussi optimiste et nous verrons peut-être mieux où Mme Marois veut amener le Québec au cours des prochains mois, notamment par ses décisions dans les domaines énergétiques et des ressources naturelles et avec le prochain budget Marceau, qui sera sans contredit le plus gros test à ce jour pour ce gouvernement.

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