Le major Nidal Malik Hasan sera-t-il condamné à mort ou emprisonné à vie? Le jury qui en décidera entame ses délibérations, aujourd'hui, après l'avoir reconnu coupable du massacre survenu à la base militaire de Fort Hood, le 5 novembre 2009. En hurlant «Allah Akhbar!», Hasan avait alors abattu 45 personnes, dont 13 sont mortes, avant d'être neutralisé.

Il s'agit sans doute de l'événement le plus étrange à s'être produit au sein de l'armée américaine. Pudiquement classé par les autorités militaires comme un banal incident de «violence sur un lieu de travail» (!), le massacre est en effet la conséquence de la capitulation, devant un seul homme, de la plus puissante force militaire de la planète et de l'Histoire.

Le major Hasan avait à toutes fins utiles annoncé son geste, en effet.

Né aux États-Unis de parents palestiniens, l'homme a fait des études en psychiatrie en même temps qu'il gravissait les échelons de la hiérarchie militaire. Il a été décoré (sans avoir combattu) et, peu avant la tuerie, on le recommandait pour une autre promotion.

Or, à ce moment-là, son entourage et ses supérieurs savaient déjà que quelque chose clochait chez lui.

La sécurité militaire connaissait sa correspondance avec l'imam Anwar al-Awlaki, pivot de la filière yéménite d'Al-Qaïda plus tard abattu par un drone: on classa ces échanges sous la rubrique «travail de recherche»... Une présentation PowerPoint de son cru fut présentée à des dizaines d'officiers: il y expliquait notamment qu'«Allah espère [de ses fidèles] une loyauté totale» et que «l'islam approuve la lutte, y compris armée, visant à établir un État islamique»... Graduellement, au vu et au su de tous, les propos du major Hasan se radicalisèrent: jamais l'armée ne jugea prudent de lui poser des questions.

Pourquoi?

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Dans Islamophilia, court essai tout juste publié sous forme de livrel, le journaliste et auteur britannique Douglas Murray tente d'expliquer le phénomène. Constatant que celui-ci est courant dans tous les milieux occidentaux ayant accès à la parole publique, il attribue trois moteurs à ce qu'il nomme l'islamophilie.

Le premier est la peur, tout simplement, après tant de menaces, d'assassinats et de tueries: l'artiste britannique Grayson Perry, grand pourfendeur du christianisme, avoue qu'il épargne l'islam parce qu'il ne veut pas «avoir la gorge tranchée», rapporte l'auteur. Le deuxième est la mode, aussi bête que cela puisse paraître: le directeur de la CIA, John Brennan, a déjà professé après mille autres que «le djihad est une lutte sainte qui n'a rien à voir avec la violence». Le troisième est la crainte paralysante d'être taxé d'islamophobie, ce qui a sans doute été le facteur déterminant dans l'affaire Hasan.

Que des militaires aient pu céder à une telle frayeur ne doit pas étonner: il y a des mots qui tuent aussi sûrement que la poudre, capables même de faire disparaître la réalité.

mroy@lapresse.ca