À peine annoncé, le projet d'oléoduc de TransCanada a fait face à une levée de boucliers de la part des militants écologistes. Sans connaître les détails d'Énergie Est, ils sont convaincus que le nouvel oléoduc comporterait des risques inacceptables pour l'environnement et n'apporterait pas de retombées économiques substantielles pour les provinces concernées.

La rapidité de cette réaction n'étonne pas. Les écologistes ne sont pas contre cet oléoduc en particulier; ils sont contre le pétrole, point. Nous ne pensons pas que la majorité des Québécois partagent cette opinion extrême. Ils veulent que le pétrole soit extrait et transporté de la façon la plus propre et la plus sécuritaire possible. Ils veulent aussi que la province soit prospère. C'est sur la base de ces critères qu'il faut juger le projet de TransCanada.

Le pétrole qui coulera dans l'oléoduc Énergie Est proviendra des sables bitumineux albertains. Nous avons souvent soutenu ici que les producteurs et les gouvernements impliqués doivent faire davantage pour réduire l'impact de cette industrie sur l'environnement. Cela dit, on se trompe si l'on croit qu'en bloquant le projet Énergie Est, les Québécois gagneront plus d'influence sur les producteurs albertains. Par ailleurs, le pétrole albertain remplacera, en partie, du brut arrivant par bateau d'Algérie et d'autres pays d'Afrique. Qui se préoccupe des dégâts causés par ce pétrole-là?

L'or noir transporté par le nouvel oléoduc (et par l'oléoduc 9b dont Enbridge souhaite inverser le flot) sera en bonne partie destiné à l'exportation, déplorent les opposants. Protestaient-ils quand les raffineries québécoises exportaient une partie de leur production vers l'Ouest? L'économie du Québec dépend du commerce international. Comment réagirions-nous si des provinces ou états voisins empêchaient nos produits de transiter par leur territoire?

De toute façon, une quantité importante du pétrole (du brut synthétique) venant de l'Ouest alimentera les deux raffineries du Québec. L'industrie pétrochimique de Montréal devrait également bénéficier de cette nouvelle source d'approvisionnement. Deux terminaux, un près de Québec et l'autre à St-Jean (Nouveau-Brunswick), permettront de charger des navires-citernes de bitume dilué destiné à l'exportation.

L'économie québécoise profitera donc directement (investissements, emplois) de la venue du pétrole albertain. Les Québécois en profiteront aussi indirectement. Quand les économies des autres provinces (dans le cas présent, de l'Alberta et du Nouveau-Brunswick) croissent, les revenus du gouvernement fédéral augmentent et il se crée des emplois dans ces régions que des Québécois peuvent occuper.

Restent les risques de déversement. Ces risques existent, évidemment. En témoigne l'important déversement survenu au Michigan il y a trois ans. D'un point de vue statistique, toutefois, les fuites sont rares.

À la suite de la tragédie de Lac-Mégantic, TransCanada devrait savoir qu'à moins de mettre en place des mesures très exigeantes de prévention des déversements, elle ne convaincra pas les Québécois de laisser le nouvel oléoduc traverser la province. C'est donc sur les épaules de l'entreprise que repose le fardeau de la preuve.