Le chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, a annoncé la semaine dernière qu'il est désormais favorable à la légalisation de la culture et de la consommation du cannabis. L'idée sera sans doute populaire auprès de bon nombre de Canadiens. En effet, plusieurs, et nous en sommes, jugent ridicule que la possession d'une petite quantité de marijuana pour consommation personnelle soit considérée comme un crime.

Cependant, si la décriminalisation de la possession de marijuana (la position du NPD) serait une opération relativement simple, la légalisation prônée par M. Trudeau soulève plusieurs enjeux complexes. On le voit ces jours-ci dans les États américains du Colorado et de Washington, où la légalisation a été décidée par référendum l'automne dernier. On peut croire qu'à l'échelle de toute la fédération canadienne, la chose sera encore plus délicate.

Parmi les questions auxquelles il faudra répondre:

- qui pourra produire de la marijuana?

- qui sera autorisé à vendre la drogue? Les dépanneurs? La SAQ?

- combien coûtera la bureaucratie chargée de réglementer la nouvelle industrie?

- quelle concentration de THC (principal agent actif du cannabis) permettra-t-on?

- à quelle hauteur les gouvernements taxeront-ils la mari?

Il n'est pas facile de trouver les réponses justes à ces questions. Par exemple, si la concentration de THC des produits permis par l'État n'est pas suffisamment élevée, le marché illégal continuera de prospérer. De même si le pot vendu (et taxé) dans le commerce licite coûte trop cher.

Selon M. Trudeau, la légalisation «est une des seules façons de mettre la marijuana hors de la portée de nos enfants.» Cet énoncé nous paraît contestable. On voit mal ce qui empêcherait les adolescents de mettre la main sur un produit légal et socialement accepté alors qu'à l'heure actuelle, ils se procurent facilement une drogue illégale vendue par des gangs criminels.

Par ailleurs, nous craignons que la légalisation du cannabis n'entraîne les gouvernements du pays dans le même cercle vicieux que celui produit par l'étatisation de l'alcool et du jeu. Devenu dépendant des ventes de marijuana pour une partie substantielle de ses revenus, l'État n'aura-t-il pas intérêt à mousser la vente de cette drogue? Offrira-t-on des rabais les fins de semaine?

Il nous semblerait plus sage de décriminaliser la possession de petites quantités de marijuana. Les gouvernements pourraient aussi donner instruction aux forces policières de tolérer la culture à échelle modeste, pourvu qu'elle ne soit pas sous le contrôle d'organisations criminelles.

Si le Parti libéral du Canada fait de la légalisation de la marijuana un engagement électoral, M. Trudeau devra expliquer comment il compte répondre aux nombreuses questions que cette approche soulève. Les électeurs ne se satisferont pas d'un message sur Twitter.