Dès qu'on fait le bilan des festivals ou des grands événements, on s'empresse de calculer les retombées économiques pour mesurer leur succès ou pour évaluer la pertinence des subventions gouvernementales qu'elles reçoivent.

C'est à la fois trop et pas assez. Trop parce que les calculs de retombées sont imprécis et souvent gonflés. Et pas assez parce que ces calculs ne tiennent pas compte d'une foule d'impacts significatifs, mais qui sont difficiles à mesurer ou qui sortent du champ de l'économie. Les chiffres, c'est bien beau, mais il n'y a pas que ça. Les bénéfices intangibles doivent aussi entrer dans la balance.

Le calcul classique des retombées des grands événements est connu. On ne tient compte que des dépenses des étrangers, parce qu'elles constituent une injection nette d'argent dans notre économie, contrairement aux dépenses des Québécois qui sont plutôt un déplacement de leur budget de loisirs. Plus que les autres manifestations, ce sont le Grand Prix de Formule 1 et le Festival international de jazz qui engendrent surtout ces retombées.

Mais il peut aussi y avoir des effets plus diffus, que l'on ne peut pas attribuer à un élément précis. Par exemple, à Montréal, la succession de festivals peut attirer des touristes qui savent que, peu importe le moment de l'été, il y aura quelque chose d'intéressant. Ou encore le fait que les organisateurs d'un congrès soient attirés par Montréal. Ou encore que, des Québécois décident de passer l'été au Québec pour profiter des festivals plutôt que de dépenser leur argent ailleurs.

Il faut aussi tenir compte des effets structurants que peuvent avoir ces grandes manifestations, si elles réussissent à créer ici une industrie au-delà de la durée de l'événement, encourager les créateurs, créer des entreprises, développer un savoir-faire qui volera de ses propres ailes.

On peut aller plus loin dans la chaîne des effets indirects. Les grands événements contribuent à façonner la perception que l'on aura d'une ville. C'est l'argument évoqué par le Grand Prix, le fait que des millions de téléspectateurs associent Montréal à la Formule 1. Mais c'est surtout l'ensemble des activités sportives et culturelles qui peut servir à caractériser Montréal et contribuer à la rendre intéressante et attrayante.

Cet impact dépasse largement le tourisme. C'est un des éléments qui aide une ville à devenir un pôle, capable d'attirer des étudiants, des artistes, des chercheurs, des professionnels, de convaincre des entreprises de s'installer ici. La vie culturelle et la convivialité de Montréal contribuent très clairement à son essor de Montréal, et les festivals et autres événements y sont certainement pour quelque chose.

À cela s'ajoutent des effets sociaux, encore plus difficiles à mesurer, mais réels. À commencer par la cohésion sociale et l'enrichissement de la vie civique que permettent de grands rassemblements pacifiques. Le Festival de jazz est particulièrement intéressant à cet égard parce qu'il est capable de réunir anglophones et francophones. Le Festival d'été de Québec aussi, en réussissant à attirer une importante proportion de la population.

Ou encore, l'enrichissement culturel que permet l'accès à des spectacles gratuits ou peu coûteux qui permettent aux gens de se distraire, mais d'aussi sortir de chez eux, de découvrir autre chose et de s'ouvrir l'esprit. Sans oublier que ces événements donnent un sens à une ville, permettent de l'occuper autrement, que ce soient les Plaines d'Abraham ou le Quartier des spectacles, de rendre le centre des villes attrayant et pertinent dans cette ère dominée par l'étalement urbain.

Quand on soutient nos grands événements, on investit en fait dans la qualité de vie, un ingrédient majeur du succès d'une société, de son progrès économique et social.

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C'est ma dernière chronique de la saison. Retour à la mi-août. Bon été!