Ce n'est pas parce que j'ai préféré Kristopher Letang à P.K. Subban tout en haut de mon bulletin de vote en vue de l'élection du meilleur défenseur de la saison dans la LNH que je ne reconnais pas la grande valeur du défenseur du Canadien.

Je suis même très heureux pour P.K. Subban qui obtient le trophée Norris une saison, ou deux, peut-être même trois plus rapidement que je ne l'anticipais.

Car oui, la rumeur lancée par ses collègues de Sportsnet plus tôt cette semaine - Subban a travaillé à cette chaîne de sports en continu pendant le dernier lock-out - a été confirmée. P.K. recevra donc bel et bien le trophée Norris demain soir à Chicago.

Subban mérite cet honneur.

Et pas question de minimiser la portée de ce trophée en soulignant la blessure qui a miné la saison d'Erik Karlsson, des Sénateurs d'Ottawa. En rappelant les absences qui ont limité Letang à 35 matchs cet hiver. Sept de moins que le défenseur du Canadien avec qui Letang a terminé sur un pied d'égalité avec 38 points, avec un différentiel (+16) légèrement supérieur à celui du défenseur du Canadien (+ 12).

Karlsson et Letang auraient-ils mieux fait que Subban en disputant le même nombre de matchs?

Peu importe! Subban a gagné. Il a récolté ce qu'il a semé.

Deuxième!

Pourquoi avoir préféré Letang à Subban?

Parce que je considère que Letang a offert du jeu plus complet dans les deux sens de la patinoire lors de la saison écourtée.

Solide à l'attaque, le défenseur québécois en a bavé défensivement en séries éliminatoires. Particulièrement contre les Bruins de Boston dans l'expéditive finale de l'Est.

Les partisans de Subban et du Canadien se sont d'ailleurs assurés de me le souligner 100 fois plutôt qu'une.

C'était de bonne guerre. Mais peut-être que la prochaine fois, je devrais y penser à deux fois avant d'afficher une franchise toute naïve comme je l'ai fait en dévoilant mon bulletin de vote...

Cela dit, il serait bon de rappeler que le jeu en séries ne compte pas dans la course aux honneurs individuels - exception faite du Conn-Smythe, bien sûr - dans la LNH. Et s'il comptait, Subban aurait difficilement pu mousser sa candidature, car il était en vacances dès la fin de la première ronde alors que Letang a peut-être multiplié les bévues, mais il les commettait en finale d'association.

Ça aussi, c'est de bonne guerre!

Et j'aimerais rappeler que P.K. était deuxième sur mon bulletin. Pas troisième, pas cinquième, pas exclu de ma sélection: deuxième!

Ce premier trophée Norris remis à un défenseur du Canadien depuis celui reçu par Chris Chelios en 1989 confirme la progression rapide de Subban. Il confirme aussi, et surtout, sa place au sein de l'élite des défenseurs du circuit. Ce qui n'était pas le cas encore en début de saison. Oui, le talent était là. Le côté spectaculaire aussi. Mais la maturité autant sur la patinoire qu'au vestiaire faisait encore défaut. Elle s'est beaucoup améliorée. Subban aussi. Elle s'améliorera encore. Subban également.

Si ce trophée Norris tombe dans les mains de Subban plus vite que je ne l'anticipais, cette consécration hâtive met en évidence la clairvoyance de Marc Bergevin dans le cadre de sa dernière négociation de contrat avec son défenseur élite. Une clairvoyance qui aurait dû contribuer à son élection à titre de meilleur administrateur de la LNH. Un titre qui, selon mes informations, lui glissera entre les mains ce soir.

Pas grave! Bergevin se reprendra.

Revenons à Subban: payé 2 millions par saison l'hiver dernier, P.K. représentait une très bonne affaire. Son trophée Norris et la progression qu'il poursuivra l'an prochain feront de lui une véritable aubaine à un salaire de 3,75 millions.

Après?

Ça coûtera cher. Très cher! Mais peu importe ce que ça coûtera, le Canadien paiera. Il a l'argent nécessaire pour payer.

Millions différés

Pourquoi ne pas l'avoir versé l'hiver dernier alors que le Canadien aurait payé moins cher qu'il ne paiera l'an prochain?

Parce que Marc Bergevin avait besoin d'une marge de manoeuvre sous le plafond de 64,3 millions fixé en vue de la saison prochaine.

Le Canadien a déjà 61,190 millions engagés en salaires pour l'an prochain. On peut déjà soustraire les 4,5 millions du contrat de Tomas Kaberle puisque ce contrat sera racheté aussitôt la Coupe Stanley gagnée.

Ça donnera un coussin de 7,61 millions à Bergevin pour effectuer ses emplettes estivales et renouveler les contrats échus. Ce coussin est loin d'être confortable. Il l'aurait été beaucoup moins si Bergevin l'avait déplumé en offrant un, deux ou trois millions de plus à P.K. Subban dès l'an prochain.

Une fois la saison 2013-2014 terminée, le plafond grimpera de nouveau. Et là, P.K. fera sauter la banque.

Plusieurs considèrent que «l'affront» de Bergevin à son endroit l'hiver dernier pourrait inciter Subban à refuser une entente à très long terme avec le Canadien afin de profiter de sa pleine autonomie pour quitter Montréal.

C'est possible. Mais c'est un risque que Bergevin se devait de courir en janvier dernier pour maximiser le rendement de sa masse salariale la saison prochaine.

Et si le nouveau directeur général du Canadien fait de son équipe un club gagnant, un club capable d'aller loin en séries au lieu d'y faire acte de présence seulement, Subban voudra endosser l'uniforme tricolore encore longtemps.

Il sera même très heureux d'empocher les millions qu'il recevra pour profiter de la vie magnifique, presque rêvée, d'un hockeyeur à Montréal, quand il joue bien, qu'il est adulé et que le Canadien gagne.