Contestation permanente de tout ce qui bouge, victimes autoproclamées geignant ad nauseam dans les médias, corruption, collusion, débâcle des grandes administrations municipales, insécurité identitaire, gouvernement erratique, comptes publics dans le rouge, caisses de retraite insuffisantes, soins de santé déficients... Après cela, comment diable les Québécois pourraient-ils être heureux?

Pourtant, ils le sont. Plus encore: ils estiment que leur société est plus juste qu'à peu près n'importe quelle autre au monde.

Étonnant? Peut-être pas tant que ça.

D'abord, le caractère de l'Homo quebecus est tel qu'il est plutôt accommodant (!) et que, dans sa vie quotidienne, privée et anonyme, il préfère souvent jouir du beau côté des choses. Ensuite, la péréquation sociale roule à plein régime au Québec, nonobstant tous les fantasmes intellectuels à la mode.

Les trois quarts des Québécois se disent donc heureux et ce, avec constance depuis au moins six ans (77,2% en 2012). En outre, ils estiment à hauteur de 70% que leur société est empreinte de justice sociale. Ces chiffres proviennent de divers sondages récents. L'un a livré des statistiques sur l'Indice de bonheur relatif (IRB) pour l'année 2012. L'autre s'insère dans une enquête menée par Simon Langlois, directeur du Département de sociologie de l'Université Laval.

Chose sûre, on comprend pourquoi les jeunes Français débarquent en masse au Québec. Nos cousins, nés au pays de la beauté et de l'art de vivre, sont apparemment moins heureux (un déficit de 10 points de pourcentage par rapport à nous). Et 70% d'entre eux estiment que l'Hexagone, dont le filet social est pourtant tricoté serré, est au bord de l'explosion sociale!

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Bien sûr, la sensation de bonheur et l'impression de justice sont inégalement partagées d'un individu à un autre.

L'aisance financière n'est pas le seul déterminant. L'âge et le niveau de scolarité, par exemple, entrent aussi en ligne de compte. Les 18-24 ans ainsi que les plus de 55 ans sont plus facilement heureux. L'âge modifie aussi l'évaluation de la justice sociale. D'autre part, les diplômés universitaires sont plus heureux et estiment la société plus juste que ceux ayant moins de scolarité.

Enfin, la classe moyenne québécoise (des revenus se situant entre 40 000 et 100 000$) est plutôt heureuse et satisfaite de l'équilibre social. C'est peut-être la meilleure nouvelle du jour. La classe moyenne, souvent méprisée et raillée, est en effet l'épine dorsale de la société. Surtout, c'est la vache à lait du système. On n'ose pas imaginer le jour où, à coup de slogans et de vitrines cassées, on aura réussi à la convaincre que tout ce qu'elle fait et donne est inutile, que les gens sont de plus en plus malheureux, que la société est de plus en plus injuste. À tous points de vue, il vaudrait mieux la traiter avec un peu de ménagement.

Ça ferait son bonheur.