Dans le monde arabe, un conflit n'est jamais simple. Tous se déclinent en rivalités labyrinthiques à teneur politique, religieuse, sectaire. Aucun ne respecte les frontières. C'est une des raisons pour lesquelles la guerre civile syrienne perdure et que les espoirs placés dans la prochaine conférence internationale (dite «Genève-2», prévue pour le milieu de juin) sont si minces.

En juin 2012, la première conférence genevoise n'avait essentiellement rien donné.

Quinze mois après le début de la version syrienne du Printemps arabe, on y recherchait notamment un cessez-le-feu impossible à faire respecter sur le terrain. Quelle nation, en effet, aurait été assez folle pour parachuter ses troupes, fussent-elles désignées comme des forces de paix et coiffées de casques bleus, au milieu d'un tel indéchiffrable casse-pipe?

Depuis, tout n'a fait que se compliquer davantage.

nnn

Toute guerre lègue à l'Histoire une image iconique. Dans le cas du conflit syrien, il se pourrait bien que ce soit la vidéo d'un guerrier rebelle, Khalid al Hamad, dévorant le coeur d'un soldat syrien.

L'opinion internationale a évidemment été secouée. Elle a presque oublié que Bachar al Assad, lui, aurait utilisé des armes chimiques contre ses propres citoyens. Les bons sentiments se sont liquéfiés et la poésie révolutionnaire s'est évanouie, de la même façon - mais en pire - que le Printemps arabe dans ses versions égyptienne, tunisienne ou libyenne a perdu tout son lustre.

Pendant ce temps, le conflit syrien s'est islamisé. De la myriade de groupes affrontant le régime, la majorité est maintenant constituée de brigades marquées au coin de l'intégrisme, souvent du salafisme, qui est la version pure et dure de l'islam. Ces unités se battent contre al Assad, se battent entre elles, s'arrachent des armes et des territoires, font et défont leurs alliances.

Une autre ligne de fracture est celle opposant chiites et sunnites, exacerbée depuis que la branche armée du Hezbollah chiite libanais, lié à l'Iran, est entrée en force dans le conflit du côté du régime de Damas. Réaction: le Jabhat al-Nosra (Front de la victoire) sunnite, appuyé par la branche irakienne d'Al-Qaïda et puissance montante dans ce conflit, estime désormais que son principal ennemi n'est plus al Assad, mais le Hezbollah.

Et, bien entendu, le conflit déborde des frontières syriennes.

Des attentats ont été téléguidés au Liban, encore une fois menacé de fragilisation, ainsi qu'en Turquie, qui a accueilli à ce jour 195 000 réfugiés syriens. Disant se sentir menacé, Israël a prévenu qu'il interviendrait si la Russie livrait au régime al Assad, comme elle l'a annoncé, des missiles sol-air S-300. Plusieurs États arabes sont impliqués, du côté des rebelles, dans la logistique du conflit syrien. L'Union européenne vient de lever l'embargo sur les livraisons d'armes à l'opposition syrienne, mesure qui sera en vigueur le 1er août.

Quant aux États-Unis, ils ont jusqu'à maintenant été prudents. Selon des informations divulguées, hier, Barack Obama aurait demandé au Pentagone de préparer un plan d'imposition d'une zone d'interdiction de vol (no-fly zone) au-dessus de la Syrie en cas d'échec de «Genève-2». Serait-ce mettre un doigt dans l'engrenage? Le cas échéant, la population américaine ne le supporterait pas, ce en quoi elle aurait parfaitement raison.

Il vaudrait mieux trouver autre chose. Et cette recherche incombe d'abord aux Syriens eux-mêmes.