Patrick Roy est encore loin de sa première victoire à titre d'entraîneur-chef de l'Avalanche du Colorado. En moins de temps qu'il en mettra pour inscrire les noms des 20 joueurs qui composeront son alignement l'automne prochain, Roy a malgré tout triomphé dès hier à Denver.

Avec la confiance qui lui a permis de se hisser parmi les deux ou trois meilleurs gardiens de l'histoire du hockey, Roy a fait exactement ce que Joe Sakic, son patron immédiat, et Josh Kroenke, le président de l'équipe et fils du propriétaire, attendent de lui: il a offert plusieurs bonnes raisons aux partisans de retrouver confiance en leur club. «On ne gagnera peut-être pas la Coupe Stanley dès l'an prochain, mais notre équipe jouera avec la mentalité d'un club champion», a-t-il claironné.

Bon! Il était évident que Patrick ne minerait pas l'occasion de faire une bonne première impression en annonçant cinq autres années de misère aux amateurs de hockey du Colorado. Bien sûr que non.

Mais en regardant ses yeux briller lorsqu'il a lancé cette remarque, et surtout en voyant le nouveau coach tourner la tête en direction des quelques joueurs venus saluer son arrivée à Denver - Paul Stastny et le gardien Jean-Sébastien Giguère étaient du nombre -, cette remarque était bien plus qu'un cliché promotionnel. C'était une promesse. Un engagement de Roy à l'endroit des partisans de l'équipe. Des partisans que l'Avalanche a justement gavés de promesses non remplies au cours des dernières années, au point de leur donner des haut-le-coeur. Pas surprenant qu'ils aient déserté le Pepsi Center. Pis encore, qu'ils se soient détachés de leur club.

Coach d'abord et avant tout

Si Roy a répondu avec aplomb à toutes les questions, il s'est assuré de lui-même poser la question la plus importante, à mes yeux. Et d'y répondre: «Est-ce que je serais venu coacher l'Avalanche même si on ne m'avait pas également offert le poste de vice-président aux opérations hockey? La réponse est oui.»

Voilà le signe le plus évident de la maturité et de l'expérience acquises au cours de ses dix années passées à la tête des Remparts de Québec, dont les huit dernières à titre d'entraîneur-chef et de directeur général.

Contrairement à plusieurs idées préconçues à son endroit, Roy est décrit par ceux qui travaillaient étroitement avec lui à Québec comme un gars d'équipe. Il discute. Il échange. Il peut mettre son poing sur la table pour donner plus de poids à ses opinions. Mais il sait aussi prendre en considération le point de vue de ses associés. Même que ceux qui se rangent derrière ses idées simplement pour lui faire plaisir lui répugnent.

Cette capacité de travailler en collégialité sera un autre atout important pour Roy. Car une fois autour de la table de la haute direction de l'Avalanche, un Patrick Roy intransigeant, belliqueux, incapable d'accepter des points de vue contraires aux siens aurait miné ses chances de réussite.

Ce Patrick Roy existait peut-être il y a quatre, six ou huit ans. Il a changé de visage aujourd'hui. Un atout imposant alors qu'il débarque sans la moindre expérience à titre d'entraîneur dans la LNH.

Ah! l'inexpérience! Plusieurs observateurs ont gonflé ce handicap à l'hélium, l'an dernier, lorsque Roy s'est retrouvé parmi les candidats potentiels au poste d'entraîneur-chef du Canadien. Ils l'ont répété cette année encore avant que Sakic confirme l'embauche de son ancien coéquipier.

Grand connaisseur de l'histoire de la LNH et féru de statistiques, Casseau, visiblement fier de son coup, s'est assuré de dégonfler ce handicap en lançant: «Je ne crois pas me tromper en disant que 100% des entraîneurs actuels dans la LNH ont déjà été recrues eux aussi.»

Et vlan dans les flancs!

Bien en selle

Impossible de prédire si Roy obtiendra des succès immédiats à la barre de l'Avalanche. S'il obtiendra du succès, point.

Une chose est certaine: il prendra les moyens pour réussir. Tous les moyens. Roy sait que le job d'entraîneur-chef dépasse largement les quelques heures passées derrière le banc lors des matchs. Il sait qu'il faut être au bureau tôt le matin et souvent y être encore tard le soir. Qu'il faut se taper des nuits blanches et des migraines afin de trouver les façons de maximiser l'efficacité de son équipe quand elle gagne. La sortir du merdier dans lequel elle patine quand elle perd.

À Denver, les adjoints qui suivront Roy - attendez-vous à ce que son maître François Allaire hérite du poste d'entraîneur des gardiens - ne feront pas le travail à la place du coach. De fait, ils devront être vite sur le piton et ne pas compter les heures, s'ils veulent suivre le rythme du patron.

Un patron qui négociera aussi avec les directeurs généraux des 29 autres équipes lorsque viendra le temps de conclure une ou des transactions pour brasser sa formation.

Confiant derrière le banc, impérial dans le vestiaire et dans son bureau en raison de sa réputation, invité à la table de la haute direction de l'équipe, Roy pourrait difficilement être mieux installé à son arrivée à la barre de l'Avalanche.

Après avoir gagné sur la place publique hier, il ne lui restera plus qu'à gagner sur la glace dans quelques mois. Quelques mois au cours desquels Roy ne chômera pas afin de renflouer une équipe qui a grandement besoin de l'être.

L'embauche de Sakic et celle de Roy sont deux coups d'éclat qui replacent l'Avalanche dans les faveurs populaires à Denver. D'autres devraient suivre. Sous quelle forme? Je ne sais pas. Mais est-il farfelu de croire que sous les conseils de Roy, l'Avalanche pourrait orchestrer une transaction importante et oser se passer du défenseur Seth Jones pour mettre la main sur Nathan MacKinnon et son coéquipier Jonathan Drouin?

Je sais, c'est énorme comme spéculation. Presque grossier. Mais avec Roy à la table de la haute direction d'une équipe prête à prendre tous les moyens pour retourner parmi les meilleures organisations de la LNH, on peut s'attendre à tout. Même si ça semble impossible.