Si Alain Vigneault s'était fait virer dans le cadre d'un grand ménage balayant l'état-major des Canucks de Vancouver au grand complet, il serait bien difficile de critiquer son congédiement à titre d'entraîneur-chef des champions de la division Nord-Ouest.

Car après un règne de sept saisons à la barre d'une même équipe, deux éliminations consécutives - dont la dernière en quatre petites parties - en première ronde des séries représentent des critères suffisants pour congédier un coach dans la LNH.

Même si son équipe s'est rendue à la finale de la Coupe Stanley il y a trois ans? Même si elle a été éliminée trois ans de suite par des champions éventuels de la Coupe Stanley: Chicago, Boston et Los Angeles l'an dernier? Même si elle n'a raté les séries éliminatoires qu'une fois sous son règne? Même s'il affiche un bilan de 313 gains - record de franchise -, 170 revers et 57 défaites en prolongation ou tirs de barrage? Même s'il a auréolé sa première saison à Vancouver d'un trophée Jack Adams?

Eh oui!

C'est ingrat comme ça, un job d'entraîneur-chef dans la LNH. Les ennuis présents pèsent toujours beaucoup plus lourd que les succès passés.

Promesse non tenue

Mais parce que Vigneault s'est fait sacrer à la porte avec ses adjoints - son complice de toujours Rick Bowness, avec qui il a fait le saut dans la LNH à titre d'adjoint avec les Sénateurs d'Ottawa en 1992, et Newell Brown - alors que son patron et directeur général Mike Gillis reste en poste, ce congédiement doit être dénoncé avec vigueur.

Alain Vigneault était dans l'eau chaude le printemps dernier après que ses Canucks eurent été chassés des séries en cinq parties par les Kings de Los Angeles dès la première ronde.

Après quelques semaines d'incertitude, Vigneault s'est fait offrir une prolongation de contrat l'assurant d'une bonne sécurité financière - salaire annuel oscillant autour de 1,5 million -, à défaut d'une sécurité d'emploi. Mais plus encore, Vigneault avait obtenu l'assurance que Roberto Luongo serait échangé avant la saison, afin de lui permettre de miser sur Cory Schneider qui était son candidat au titre de gardien numéro un.

La transaction n'est jamais venue.

Trop gourmand, Mike Gillis a fait avorter plusieurs discussions et négociations. Il a même compromis une transaction par le biais de laquelle les Maple Leafs de Toronto envoyaient à Vancouver les jeunes Nazem Kadri et Tyler Bozak, en plus d'un choix de deuxième ronde au repêchage de juin prochain. Gillis étirait alors l'élastique pour que ce choix au repêchage en soit un de première ronde et non de deuxième.

Quand on considère la saison que Kadri a connue avec les Leafs, les promesses de succès qui accompagnent Bozak et le fait que les Canucks n'ont jamais été en mesure d'échanger Luongo et son «maudit» contrat, on se rend compte de l'importance de la bêtise commise par le DG des Canucks dans le cadre de cette transaction avortée. Car un an plus tard - la transaction Vancouver-Toronto devait tomber lors du repêchage -, Gillis sera chanceux s'il obtient un choix de deuxième ronde en retour de Luongo.

Le boulet Luongo

Malgré la position délicate - on peut parler de merdier - dans laquelle son patron l'a plongée en l'obligeant à satisfaire deux gardiens numéro un, deux gardiens qui sont loin d'avoir connu une saison à la hauteur de leur réputation, Alain Vigneault a guidé les Canucks au premier rang de la division Nord-Ouest avec un dossier de 26-15-7.

Bon! La division Nord-Ouest était sans doute l'une des plus faibles de la LNH. Et le fait que les Canucks, en plus de donner plus de buts qu'ils le devaient, n'en marquaient pas assez au goût des partisans et de certains collègues de Vancouver n'a pas aidé la cause de Vigneault. Pas plus que l'élimination en quatre parties aux dents des Sharks de San Jose qui ne devraient pas imiter les Hawks, les Bruins et les Kings en profitant de l'élimination des Canucks pour se propulser jusqu'à la Coupe Stanley. Sans oublier les frères Sedin qui semblaient au bout du rouleau en séries avec les Canucks, mais qui ont été fringants comme des étalons une fois dans l'uniforme de leur Suède natale au Championnat du monde de hockey qu'ils ont gagné en fin de semaine dernière à Stockholm.

J'insiste: si Mike Gillis était lui aussi à la recherche d'un emploi ce matin ou que Vigneault avait été viré par un nouveau directeur général des Canucks, la nouvelle d'ailleurs attendue du congédiement de Vigneault n'aurait pas le même goût désagréable d'injustice. Une injustice qui sera peut-être corrigée au cours des prochaines semaines si Gillis assume finalement le lourd poids de ses erreurs.

Plusieurs scénarios

J'ai tenté de joindre Vigneault hier. Il n'a pas répondu. Si son renvoi était prévisible, il a bien le droit d'encaisser difficilement le coup en compagnie de sa blonde, de ses filles et des membres de sa famille.

Que fera-t-il maintenant qu'il est libre?

Il pourrait se contenter d'encaisser les chèques des Canucks et de vivre grassement au lieu de se casser la tête 24 heures sur 24 pour faire gagner un club de la LNH.

Les offres attrayantes qu'il devrait recevoir dès les prochains jours pourraient l'inciter à changer d'idée.

Maintenant que Vigneault est disponible, l'Avalanche du Colorado pourrait décider d'ajouter son nom à celui de Patrick Roy à titre de candidat de choix pour orchestrer la relance de cette équipe.

Si les Rangers de New York sont balayés en quatre et que John Tortotella lève les feutres le lendemain, Vigneault pourrait se retrouver rapidement dans la Grosse Pomme.

C'est simple. Toutes les équipes qui se cherchent un coach communiqueront avec Vigneault. Et les équipes qui jonglaient avec l'idée de congédier leur entraîneur actuel pourraient maintenant passer aux actes en raison de la nouvelle disponibilité du coach québécois qui ne restera pas sans emploi bien longtemps. À moins que ce ne soit son choix.