C'est insensé. Absurde même. C'est avant tout déplorable que Michel Therrien, malgré le fait qu'il ait pris le Canadien en 15e et dernière place dans l'Est pour ensuite le guider jusqu'au deuxième rang de l'association en 48 petites parties, soit bêtement relégué au rang de simple observateur dans le sprint final visant à couronner l'entraîneur-chef de l'année dans la LNH.

Ce sprint opposera donc Paul MacLean des Sénateurs d'Ottawa, Bruce Boudreau, des Ducks d'Anaheim et Joel Quenneville des Blackhawks de Chicago.

Deux de ces trois finalistes ont connu des saisons exceptionnelles. À commencer par Paul MacLean qui aurait obtenu mon vote de première place si j'avais eu le privilège d'élire le prochain lauréat du trophée Jack-Adams.

Ne déchirez pas vos chemises tout de suite, bouillants partisans du Canadien. Paul MacLean vous a écorchés vifs lors de la série entre les Sénateurs et votre club chéri. Je le sais. Il vous a pincés là où ça fait le plus mal, dans votre fierté et votre orgueil. Et au lieu de s'excuser, il en a remis, faisant de lui un paria dans votre tête et votre coeur de partisan.

Mais quand on considère qu'il a conduit en séries éliminatoires une équipe privée de Jason Spezza, Erik Karlsson et Craig Anderson, trois joueurs qui ne sont pas seulement les meilleurs centre, défenseur et gardien des Sénateurs, mais occupent aussi une place de choix au sein de l'élite de la LNH à leur position respective, on doit donc parler d'exploit.

Quand on ajoute les pertes de Milan Michalek et Jared Cowen, deux éléments très importants sans toutefois être aussi essentiels que les trois premiers, on obtient des circonstances qui justifient la sélection de MacLean au titre d'entraîneur-chef de l'année.

Voilà!

Quenneville oui, Boudreau jamais!

Je n'ai pas la moindre récrimination à faire quant à la présence de Joel Quenneville au sein du tiercé gagnant. Même qu'elle me réjouit.

Trop souvent, quand un entraîneur-chef a les mains pleines en fait de talent comme c'est le cas de Quenneville à Chicago, on tient pour acquis que le coach n'a qu'à faire ouvrir les portes par ses adjoints et que l'équipe gagnera.

Rien n'est plus faux.

Bon! Il est certainement plus agréable et profitable de diriger Jonathan Toews, Marian Hossa et Duncan Keith que Michael Ryder, Travis Moen et Tomas Keberle. Mais encore faut-il prendre les moyens nécessaires pour garder ces grands joueurs concentrés sur un concept d'équipe qui n'est pas toujours évident à faire avaler aux grandes vedettes.

Quenneville l'a fait encore cette année en guidant les Hawks au meilleur début de saison de l'histoire de la LNH alors que son équipe a encaissé son premier revers en temps réglementaire (21-0-3) après avoir disputé la moitié de la saison écourtée.

Ce n'est pas rien. C'est énorme en fait. Pas assez pour offrir à Quenneville un deuxième Jack-Adams après celui reçu en 2000 alors qu'il dirigeait les Blues de St. Louis. Mais un exploit suffisant pour assurer sa place parmi les finalistes.

Si j'avais voté, le nom de MacLean aurait été tout en haut de mon bulletin de vote. Celui de Quenneville en troisième place. Entre les deux, j'aurais inscrit celui de Michel Therrien. Certainement pas celui de Bruce Boudreau.

Boudreau a pris un club exclu des séries l'an dernier et il l'a hissé en deuxième place de l'Association de l'Ouest. Bravo!

Mais sur le strict plan hockey, il n'a rien accompli de plus sensationnel que Michel Therrien à Montréal. Même que le coach du Canadien, en tenant compte du fait qu'il n'a eu qu'une semaine pour inculquer son système entre la fin du lock-out et le début de la saison, de l'équipe à sa disposition et de la pression beaucoup plus étouffante de diriger à Montréal plutôt qu'en banlieue de Los Angeles, a fait beaucoup plus que Boudreau qui joue un vilain tour au Canadien pour la deuxième fois de sa carrière.

Rappelez-vous 2008. Guy Carbonneau avait mené le Canadien à une saison de 104 points, la plus prolifique du Tricolore depuis la récolte de 115 points en 1988-1989, mais il s'était fait coiffer au fil par Boudreau débarqué à la barre des Capitals de Washington en cours de saison. Le coach des Caps devenait alors l'un des trois seuls entraîneurs de l'histoire de la LNH à soulever le trophée Jack-Adams après être venu à la rescousse de son équipe. Bill Barber venu en relève à Craig Ramsay à Philadelphie en 2000-2001 et Ken Hitchcock venu en relève à Davis Payne l'an dernier à St. Louis sont les autres.

Relations publiques

Aussi absurde soit-elle, l'exclusion de Michel Therrien des finalistes à titre d'entraîneur-chef de l'année était presque prévisible.

Le trophée Jack-Adams est remis par les descripteurs et analystes de tous les réseaux de télé et stations radiophoniques qui diffusent les matchs de la LNH. Au-delà des qualités nécessaires pour mériter le titre, la qualité des entrevues offertes et les liens tissés avec les collègues du volet électronique entrent aussi en compte.

Si le coach du Canadien rivalise avantageusement avec les trois finalistes en matière d'exploits réalisés sur le plan hockey - comme dans le cadre de tous les trophées individuels, les votes sont décernés avant le début des séries éliminatoires -, il rivalise moins avec MacLean, Boudreau et Quenneville sur le plan des relations publiques.

Je sais. Cet aspect ne devrait pas figurer sur la liste des paramètres au moment de voter. Mais c'est une réalité avec laquelle on doit composer. Et cette réalité a certainement miné les chances de Michel Therrien de se hisser au moins parmi les finalistes.

Michel Therrien était en Floride lorsqu'il a appris la nouvelle vendredi matin. Si je me fie à mon petit doigt, il devait être sur un terrain de golf.

Parce qu'il est un gagnant, parce qu'il est surtout un très mauvais perdant, Michel Therrien n'est certainement pas resté indifférent à cet affront que lui ont réservé les collègues diffuseurs. La petite balle blanche a d'ailleurs dû encaisser des coups de décocheurs plus puissants que d'habitude...

Mais au-delà de la déception normale associée à une nouvelle du genre, je suis convaincu que les mauvais buts accordés par Carey Price, les couvertures défensives bousillées et les occasions de marquer gaspillées qui ont mené à l'élimination hâtive de son équipe hantent encore bien plus le coach du Tricolore, même s'il est en vacances au soleil, que l'exclusion absurde dont il a été victime vendredi.