Plusieurs auront sans doute eu l'occasion de visiter le Musée de l'air et de l'espace, à Washington. On y trouve notamment une cinquantaine de véhicules spatiaux. Le plus fascinant est certainement le module de commande de la mission Apollo XI (celle de Neil Armstrong), la seule pièce du gigantesque train spatial à être revenue sur Terre.

Au vrai, ces engins donnent froid dans le dos.

L'intérieur de la capsule d'Apollo XI, par exemple, est moins grand qu'une salle de bain; percé de cinq minuscules hublots; peint d'une couleur hésitant entre le gris déprime et le vert hôpital; éclairé par de lugubres tubes fluorescents; meublé de trois fauteuils en forme d'appareils de torture boulonnés au milieu d'une inquiétante quincaillerie de science-fiction.

L'habitacle de la Station spatiale internationale est de la même eau. On a peine à imaginer que des êtres humains puissent y vivre pendant de longs mois à moins d'avoir été eux-mêmes transformés en machines.

Et puis vint Chris Hadfield.

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Il n'est pas une machine, mais un être humain dans toutes les dimensions que cela comporte. À la fois scientifique et un peu artiste; plein d'humour; amant de la planète, qu'il a photographiée à répétition au bénéfice des Terriens; jouissant d'une intelligence des communications et d'un charisme qui en ont fait, apparemment, l'astronaute aujourd'hui le plus connu dans le monde après, justement, Neil Armstrong.

Le cadeau qu'il a voulu offrir avant de redescendre est une interprétation de Space Oddity de David Bowie.

Une évidence, peut-être.

Mais le vidéoclip créé par Hadfield, magnifiquement tourné, monté et... chanté (ça, ce n'est pas évident!) a donné une âme à ce gros tube de métal flottant au-dessus de nous, presque beau sur ces images. C'est très émouvant. Peut-être cette interprétation sera-t-elle dorénavant considérée comme la version définitive du vieux classique, même si l'astronaute en a quelque peu modifié les paroles: aux premières 24 heures de sa mise en ligne, le clip a été vu un million de fois et Bowie lui-même a salué l'événement.

Évidemment, on pourra toujours continuer à dire: l'espace, qu'ossa donne?

Or, il y a plusieurs réponses à cette question. L'exploration, la découverte, le progrès des sciences et des technologies, bien sûr. Mais il y en a une autre, plus convaincante encore et qui n'est pas étrangère à la façon dont Chris Hadfield a accompli sa mission. L'homme explore l'espace pour la même raison qu'il écrit de la poésie, compose de la musique, peint des fresques, élève des monuments. Parce que c'est sa nature, son essence même, que de chercher à savoir et de créer.

Et, à la gloire du Major Tom, d'insuffler une nouvelle vie à une vieille chanson.