Aux élections de septembre dernier, Québec solidaire a recueilli 6,03% des voix exprimées et remporté deux circonscriptions, mais détiendrait sept sièges à l'Assemblée nationale avec la proportionnelle. Dans le dernier coup de sonde de CROP, ses appuis ont grimpé à 11%, la moitié des 22% de la CAQ. 8% des répondants pensent que Françoise David ferait la meilleure première ministre, pas tellement loin des 16% de Pauline Marois. Bref, QS est devenu une force politique incontournable.

Et maintenant, une question. Avez-vous entendu parler du Plan vert? Probablement pas. Et pourtant, c'est ce que Québec solidaire décrit comme la «pierre angulaire» de son programme économique.

Les deux paragraphes précédents décrivent l'existence d'une déconnexion entre la popularité relative de ce petit parti et l'adhésion à ses idées. En principe, les 651 000 Québécois se disant prêts à voter pour Québec solidaire devraient être assez à l'aise avec son programme. On sait que ce n'est pas le cas.

L'appui à QS, surtout en dehors des périodes électorales, tient à une foule de facteurs, le désir de voter à «gauche», la déception à l'égard du PQ, l'attrait de l'idéalisme, le désir d'encourager de nouvelles voix, la sympathie pour Françoise David.

Pourtant, il n'est pas mauvais de savoir pour quoi on vote, quand on croit à l'implication citoyenne et qu'on veut plus de maturité dans le processus démocratique. S'ils connaissaient mieux les idées de QS, bien des gens - je pense à nos amis du Plateau - seraient peut-être moins enthousiastes pour un parti qui propose une version nordique de la révolution bolivarienne.

Il y a en effet une autre déconnexion, entre le discours convivial des porte-parole connus du parti, et ce que pensent vraiment les membres. La lecture du programme nous fait découvrir un parti qui, sans être marxiste - ça n'existe plus - cherche une alternative à l'échec de l'idéal communiste, et dont les stratégies - nationalisations, coopératives, anticapitalisme - rappellent souvent celles d'Hugo Chavez - sans les pulsions dictatoriales du tribun vénézuélien, mais aussi sans ses milliards pétroliers.

«Le système capitaliste produit les inégalités sociales, les destructions environnementales et renforce le sexisme et le racisme en maintenant de nombreux groupes et de nombreuses personnes dans la pauvreté», affirme le programme. Une phrase qui est une injure à l'intelligence. Comme on le sait, Manhattan impose le port du voile intégral et Londres est la capitale de l'excision.

«Afin de permettre le contrôle collectif et démocratique des principaux leviers économiques du Québec, Québec solidaire entend à terme, dépasser le capitalisme.» Mais comment? Le Plan vert, dont les membres de QS ont réaffirmé l'importance dans leur congrès du week-end dernier, nous éclaire un peu.

Ce plan est très simple. On créerait 166 000 emplois, presque tous avec des fonds publics, en investissant dans les économies d'énergie, l'électrification du transport en commun, un TGV, des éoliennes, des coopératives, plus de postes dans le secteur public. On en profite pour nationaliser les mines. Et pour payer tout ça, selon le cadre budgétaire, on augmenterait les revenus de 9,9 milliards, essentiellement avec des impôts. Par exemple, si le PLQ percevait 380 millions de redevances minières et le PQ promettait 760 millions, QS parle de 2,3 milliards, ce qui est comme zéro.

Est-ce que ça tient la route? Non. Mais ce n'est pas grave, parce que ce programme n'est qu'une allégorie. QS est le parti de l'idéal, du souhaitable, en contrepoids aux emmerdeurs qui se limitent au possible. Son rôle n'est pas de diriger le Québec, mais d'être la voix de ceux qui n'en n'ont pas, de défendre une conception de la justice sociale, d'être la conscience du monde politique et de fournir parfois de bonnes idées que d'autres mettront en oeuvre.