Je joue dans la NBA et je suis gai. Si ça se trouve, c'est même pas vrai. Jason Collins est ce rugueux pivot en fin de carrière des Wizards de Washington (exclus des séries) auquel les Wizards n'ont pas offert de contrat, ni aucune autre équipe, d'ailleurs.

Collins s'est peut-être dit, bon, j'ai 34 ans, comme joueur de centre, je suis pas mal fini, je vais leur raconter que je suis gai et il y a sûrement un club qui va m'engager comme attraction, on me fera jouer cinq ou six minutes par match, je suis encore capable de pogner quelques rebonds, de bloquer un ou deux tirs, je me vois bien par exemple à Toronto, ville vertueuse qui n'a de toute façon aucune chance de faire les séries...

Gai? Allons donc. Je n'en crois pas un mot. Un grand garçon comme lui. La moyenne des gais, c'est quoi? Cinq pieds six? Cinq pieds sept? Un peu plus quand ils mettent des hauts talons, mais sept pieds! Franchement! Et puis les gais, ça ne joue pas au basket, ça joue à la cachette, à la marelle, à branch-to-branch, un peu au curling, mais pas au basket. Pas au hockey. Pas au football.

Nommez-moi un seul joueur de hockey gai actuellement dans les séries, hein, hein, z'êtes pas capable. C'est parce que y'en a pas.

N'empêche que c'est drôlement bien pensé de la part de Jason Collins: je joue dans la NBA et je suis gai. Ça a fait les manchettes dans le monde entier. Essayez donc de faire les manchettes avec une phrase qui finirait par «et je suis gai» et qui ne commencerait pas par: je joue dans la NBA, je joue dans la NFL, je joue dans la MLB, je joue dans la MLS.

Essayez de dire, par exemple: je suis maire de Paris et je suis gai. Ben oui, ben oui. D'ailleurs, il y a mieux: je suis mairesse de Houston AU TEXAS et je suis gaie. Je suis ministre de ceci, cela et je suis gai (e). Je suis empereur romain et je suis gai. J'ai été le grand boss du FBI et j'étais gai. Tout le monde s'en fout, y'en a partout.

C'est juste dans le sport professionnel qu'il n'y a pas de gais. Enfin jusqu'à ce Jason Collins, le sport professionnel était le dernier refuge des vraies valeurs. Je vous le demande: où la jeunesse ira-t-elle chercher ses modèles maintenant?

LE BONHEUR - Il y a quelques années, disons 15, quand je dépassais un vieux cycliste qui ahanait dans une côte, je le saluais poliment - bonjour monsieur - tout en me faisant toujours la même silencieuse promesse: quand je serai rendu là, je ne ferai plus de vélo. Du curling, du golf, du tricot, pas du vélo.

Je suis rendu là. Et même un peu plus loin (un peu plus bas?) que ces vieux cyclistes qui ahanaient dans les côtes, au moins ils pédalaient, alors qu'on me voit souvent marcher quand la pente se fait trop raide ou trop étroite et qu'une auto s'impatiente derrière moi.

J'ai pourtant le même plaisir à pédaler qu'avant et, vous allez rire, le même sentiment «de performer», dans la mesure où toute performance est d'abord exultation.

À la question habituelle du douanier américain - où vous allez? -, j'ai répondu Franklin, East Franklin et retour au Québec.

Et ça vous prendra combien de temps? m'a-t-il encore demandé.

Si mon anglais était moins rugueux, je crois bien que j'aurais osé une longue réponse du genre: cela prendra le temps de souffrir jusqu'en haut de la côte du lac Carmi, de prendre à gauche pour grimper encore vers ce plateau qu'on dirait du Limousin, cela prendra le temps que montent en moi ces petites bulles de bonheur qui m'éclateront une à une dans la tête, cela prendra le temps que ça prend pour être heureux, nom de dieu.

DOMMAGE - Vous savez combien je n'ai pas la fibre patriotique, combien l'Ô Canada me laisse de glace, vous savez aussi combien, en sport, me crispe le pétage de médailles. Vous savez ça. Alors si je vous dis que Ryder Hesjedal est sûrement, en ce moment, le meilleur coureur de bicyk au monde, c'est sûrement pas par chauvinisme.

Si vous me demandez, drette là, qui va gagner le Tour d'Italie en cours, je vous répondrais Ryder Hesjedal pour la seconde fois.

Maintenant, si vous me demandiez qui va gagner le prochain Tour de France, je ne vous répondrais pas Ryder Hesjedal, parce que quand même, deux grands tours coup sur coup, c'est beaucoup pour un coureur que les experts tiennent encore pour un second violon. Je ne vous dirai pas Hesjedal pour cette année, mais l'an prochain par contre, si les petits cochons ne l'ont pas mangé...

Ça tombe mal pareil. Au moment où, pour la première fois de son histoire, le Canada a un coureur capable de gagner le Tour de France, voilà que le Tour de France est presque tombé en disgrâce. Et avec lui tout le sport cycliste.

HOCKEY - Je ne sais pas si vous avez vu ce film assez récent dont j'oublie le titre, ça n'a aucune importance d'ailleurs, DeNiro y joue le rôle d'un fan complètement sauté des Eagles de Philadelphie (de la NFL), interdit de stade pour s'être battu, il oblige son fils adulte à regarder les matchs avec lui à la télé parce qu'il croit que son fils lui porte chance. Quand son fils regarde le match avec lui, les Eagles gagnent.

J'ai un ami, ancien instituteur, complètement fou de hockey qui, lui, ne regarde pas les matchs du Canadien - ces mangeux de marde, ajoute-t-il toujours - parce que quand il les regarde, ils gagnent.

C'est pas tout. Dans sa folie, mon ami pense que la bonne nouvelle - la défaite du Canadien - doit nécessairement venir de moi. C'est dans son rituel, il m'appelle vers 9h. Pis?

2-0 Canadien.

Il raccroche en jurant.

Me rappelle un peu plus tard: pis?

2-1. Il reste trois minutes. Il me rappelle 20 minutes plus tard.

Final, 3-2 Ottawa en supplémentaire.

Niaise pas! En même temps, il a allumé sa TV, voit les gueules d'enterrement des «analystes» de L'antichambre, il se met à hurler dans le téléphone qu'il m'aime, je t'aime Foglia, t'es formidable, on les a eus, les mangeux de marde.

À noter que je ne participe en rien à son délire. Il m'indiffère que le Canadien gagne ou perde, reste que franchement, sauf pour un match, ils ont dominé les trois autres jusqu'ici, s'ils ne les ont pas gagnés, c'est que les arbitres leur en ont volé un et que Price leur a gâché les deux autres.