Après avoir promis avec fanfare de doubler les redevances, le gouvernement Marois a accouché d'une réforme de la fiscalité minière vraiment plus modeste. On pourrait être tentés de se réjouir du fait que le gouvernement ait abandonné un projet qui risquait de tuer l'industrie minière québécoise. Mais depuis quand félicite-t-on un gouvernement parce qu'il n'a pas posé un geste malheureux?

D'autant plus que cette aventure de la fiscalité minière est probablement le pire fiasco qu'a connu ce gouvernement, qui laissera des citatrices tant politiques qu'économiques.

Au plan politique, Mme Marois se retrouve à trahir un autre de ses principaux engagements électoraux. En campagne, elle promettait d'augmenter les redevances de 400 millions par année. Avec la réforme présentée lundi par le ministre des Finances, Nicolas Marceau, les revenus passeront de 320 à 376 millions en 2015, ce qui représente une hausse annuelle infiniment plus modeste de 56 millions.

Pourquoi le recul? Pas parce que le gouvernement est minoritaire. Dans ce dossier, il peut agir par décret. Pas parce que l'industrie minière est dans un creux, un phénomène en principe passager. Tout simplement parce que l'engagement ne tenait pas debout.

Pour sauver la face, le ministre Marceau accouche donc d'une réforme qui cherche surtout à convaincre que le gouvernement a tenu promesse. Mais fondamentalement, cet exercice n'est qu'un fine tuning de la vraie réforme, celle qui a fait en sorte que les redevances ont bondi de 61 à 351 millions entre 2010 et 2012.

Les éléments de cette réforme sont conceptuellement intéressants, avec l'introduction de deux nouveautés: un impôt minimum, et un mécanisme de perception additionnel sur les rendements très élevés. Le problème, c'est que nous ne sommes pas dans un colloque universitaire, mais dans la vraie vie, avec de vrais projets, dans de vraies régions.

La réforme est tellement compliquée qu'il n'y a pas vraiment moyen de savoir combien ça rapportera. On n'a pas non plus la moindre idée de son impact sur l'industrie minière, que l'on frappe d'une hausse d'impôt en période de crise. Et il ne faut pas oublier le contexte, un gouvernement qui a été agressif envers cette industrie et qui lui impose toujours une ministre franchement hostile, Martine Ouellet, qui a du mal à accepter la timidité de cette réforme.

Le raboudinage est tellement évident que le document d'explication du gouvernement oscille sans cesse entre deux visions. À la page 18, on insiste sur le fait que «la compétitivité du régime est essentielle», qu'on ne peut faire abstraction de ce qui se passe ailleurs. À la page 20, on se vante que «le Québec sera désormais la juridiction la plus exigeante au Canada en termes de fiscalité applicable au secteur minier». Une conception inusitée de la compétitivité.

On oublie toutefois que, même au plan strictement fiscal, les redevances n'ont pas un poids si important. Avec la réforme péquiste, les redevances représenteront entre 11,7% et 15,5% des profits des entreprises, tandis que l'impôt sur le revenu des sociétés, à 26,9%, comptera pour le double.

Il faut aussi tenir compte du fait qu'il y a probablement un autre milliard en revenus fiscaux grâce aux 4-5 milliards d'investissements annuels, aux 20 000 emplois directs, aux 20 000 emplois indirects, aux milliers de sous-traitants. Penser aussi aux effets durables de l'essor minier sur l'économie, notamment par le développement d'un savoir-faire qui peut se perpétuer et rayonner - en géologie, génie, finances, droit, fiscalité.

Ce fiasco s'explique donc en partie par le fait que, dans le débat public, on a présenté les redevances comme l'outil ultime d'une société pour retirer des bénéfices de l'exploitation de ses ressources. Cette fixation sur les redevances, c'est une logique passive de rentiers.