D'autres survivants ont été extraits des ruines du Rana Plaza, hier, pendant que le propriétaire de l'immeuble était arrêté. Deux bonnes nouvelles dans l'océan de malheur et de souffrance qu'est devenue Dacca après l'effondrement, mercredi, de l'édifice abritant des ateliers de confection.

On dénombre près de 400 morts et des dizaines de personnes sont toujours enfouies sous les décombres. Depuis cinq jours, l'affaire a remis en mémoire les images les plus sombres des sweatshops du Bangladesh.

Et elle a lancé une nouvelle chasse aux coupables. Coupables directs, d'une part, propriétaires et opérateurs d'ateliers. Responsables d'un système, d'autre part, localement et dans le monde.

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Le textile et la confection constituent 80% des exportations du Bangladesh, l'Europe étant le principal client (5% vont au Canada). Près de quatre millions de personnes, à 80% des femmes, travaillent dans ce secteur qui a contribué depuis 15 ans à faire croître de près de 6% par année l'économie d'un pays pourtant accablé par les désastres de toutes sortes.

Mais le prix à payer pour cette croissance est lourd. Des salaires au-dessous de tout, en général compris entre 35 et 60$ US par mois. Des conditions de travail parfois dangereuses: la tragédie du Rana Plaza n'est pas la première, en effet.

Quoi et qui blâme-t-on? La mondialisation, d'abord. Mais, en deux décennies, elle a extrait de la misère entre 400 et 500 millions de citoyens des pays émergents. Le Bangladesh a aujourd'hui une forte industrie de la confection notamment parce que les régions développées, côtières, de la Chine délaissent ce secteur: les salaires, autrefois au-dessous de tout là aussi, se sont considérablement élevés.

Les acheteurs occidentaux, ensuite. Depuis quelques années, les «marques» tentent - ou disent tenter, c'est à voir - d'exercer une certaine surveillance sur les ateliers oeuvrant pour elles. Mais ce n'est pas si simple lorsque le travail est sous-contracté en cascade, comme c'est souvent le cas. Quant aux consommateurs, ils sont placés devant un choix difficile. La tentation est forte de boycotter l'étiquette made in Bangladesh.

Mais pour l'ouvrière de Dacca, la solution de rechange à un emploi miteux est la plupart du temps pire encore. Cependant, cette même ouvrière doit au premier chef survivre à sa journée de travail. Et c'est ici qu'apparaissent l'État et les entrepreneurs bangladais.

Le Rana Plaza comptait huit étages, dont trois construits illégalement. Il était situé dans une zone non industrielle, marécageuse. Et il avait été déclaré dangereux avant l'effondrement.

Selon un fonctionnaire bangladais, 50% des ateliers logent dans des édifices non sécuritaires. Or, les entrepreneurs en confection sont les plus généreux donateurs aux caisses électorales et sont proches des deux grands partis politiques... C'est dans ce panier de crabes que se trouve la première urgence.