Les principales critiques formulées à l'égard de la «Commission nationale d'examen» que le gouvernement Marois a créée pour évaluer la réforme de l'assurance-emploi d'Ottawa portaient sur le fait que ce serait surtout un véhicule de propagande de l'option souverainiste.

Pourtant, ça n'a rien de très troublant. Les péquistes ont remporté les élections, en annonçant leur stratégie de gouvernance souverainiste. Même s'ils sont minoritaires, il était prévisible qu'ils fassent la promotion de leur option.

Le vrai problème de cette commission d'examen, c'est qu'on s'attaque à un enjeu sérieux, la réforme de l'assurance-emploi et ce qu'il y a derrière, l'économie des régions, la problématique du travail saisonnier, avec de mauvaises prémisses, une mauvaise approche et les mauvaises personnes, ce qui compromet le succès d'un exercice qui aurait pu être utile.

La prémisse? Le ministre Alexandre Cloutier, en annonçant cette commission, s'est exclamé: «C'est pas vrai qu'on va laisser crever les régions!». Ça part très mal. On peut s'opposer la réforme du gouvernement Harper, mais personne de moindrement sérieux ne peut prétendre que la survie des régions est en jeu.

Le mandat? Le même ministre ajoutait: «Il faut que les Québécois puissent exprimer leur mécontentement face à la réforme». Cela suggère qu'on ne nous propose pas un exercice de réflexion ou d'analyse, mais plutôt une mise en scène, une espèce de road show où on va demander aux gens qui ne sont pas contents de nous dire qu'ils ne sont pas contents. Une démarche parfaitement circulaire.

Quant aux personnes, le choix de Gilles Duceppe n'est pas heureux. Pas parce qu'il est souverainiste. Pas parce qu'il est un ami du régime. Parce que sa feuille de route ne le prédispose pas à cette fonction. Toute la carrière politique de M. Duceppe s'est déroulée dans un parti d'opposition qui n'a jamais aspiré au pouvoir et dont la fonction première était de dénoncer les gouvernements fédéraux quels qu'ils soient.

Mais Mme Marois dirige un gouvernement et doit s'inscrire dans une autre logique. Elle a besoin d'être conseillée, pas sur le mode de la dénonciation et de la revendication, mais sur les façons de gouverner, de définir des politiques et de faire des choix.

Le fait que M. Duceppe ait été aussi un leader syndical risque également de colorer sa démarche et de faire de cette commission un prolongement d'un combat contre la réforme qui est déjà largement une croisade syndicale.

Cette réforme mérite d'être critiquée, parce que le gouvernement Harper ne l'a pas expliquée, n'en a pas défini les paramètres et qu'il a ainsi créé des craintes légitimes. Mais elle soulève des questions, notamment sur l'approche passive de notre système d'assurance-emploi à l'égard du travail saisonnier, qui permet à bien des gens de passer des mois sans travailler.

Est-ce que la commission va se pencher là-dessus? Sur le coût d'un rapatriement dont on rêve à Québec? Sur le coût pour les contribuables de politiques plus généreuses que laisse miroiter le gouvernement Marois?

Mme Marois, qui n'a pas en la matière l'habileté de ses prédécesseurs, semble avoir accouché d'une stratégie bien maladroite. La gouvernance souverainiste promet surtout de décevoir les souverainistes et d'irriter la grande majorité des Québécois qui ne le sont pas.

Elle risque d'avoir fait un mauvais calcul en choisissant la bataille de l'assurance-emploi. Parce que la nomination de Gilles Duceppe, cousue de fil blanc, agace. Parce que les chicanes de compétence font bâiller les gens. Et surtout, parce qu'il n'est pas du tout évident que les Québécois sont foncièrement opposés à l'idée du gouvernement Harper, et qu'ils se mobiliseront pour défendre le droit inaliénable d'une partie de leurs concitoyens de rester à la maison au lieu de travailler.