Tout le monde sait que le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a une formation de comptable. Ce qu'on savait moins, c'est qu'il pouvait être poète à ses heures.

Le Projet Saint-Laurent, qu'il a présenté récemment au conseil général de son parti, se distingue en effet par la forme. Les programmes des partis politiques ressemblent d'habitude à des manifestes ou à des catalogues. Mais François Legault, pourtant peu connu pour sa fantaisie, a plutôt choisi d'exprimer sa vision autour d'une trame narrative.

Cette narration porte sur le fleuve, berceau de notre histoire, qui incarne notre identité, où habitent la majorité d'entre nous. Le Projet Saint-Laurent veut transformer cette vallée fertile de notre passé agricole en vallée de l'innovation. Et autour de ce fleuve-conducteur, si l'on ose dire, se greffent les différents éléments du programme (dépollution, tourisme, pétrole, éducation).

Il s'agit d'une trame très générale, qui manque de détails. Mais au-delà du style de présentation, ce qu'il faut remarquer, ce sont les priorités et les messages.

Le premier message, comme dans les autres moutures des projets de la Coalition avenir Québec, c'est de mettre l'économie à l'avant-plan, et de rappeler que la tâche la plus urgente du Québec, c'est de développer son économie et d'assurer sa prospérité. Au-delà de l'importance intrinsèque de l'enjeu, François Legault a toutes les raisons, au plan politique, d'occuper ce champ de l'économie, face au gouvernement péquiste qui semble avoir sacrifié cet enjeu, et face à un Parti libéral en période de transition, avec un nouveau chef, Philippe Couillard, qui n'est pas associé aux questions économiques.

Le second message, complémentaire au premier, et tout aussi important, c'est un effort pour humaniser l'idée de création de la richesse, de briser la cloison artificielle que le débat politique québécois a créée entre lucides et solidaires. Le projet de François Legault introduit un élément de rêve, où il n'associe pas le développement économique seulement aux sacrifices, mais aussi aux bénéfices - en insistant par exemple sur les emplois payants - et à la qualité de vie - l'environnement ou la réappropriation du fleuve.

Le troisième message, c'est que François Legault, constant à cet égard depuis qu'il était au PQ, est l'un des très rares politiciens à avoir fait de l'éducation sa priorité absolue. L'éducation, dans ses diverses déclinaisons, reste au coeur du Projet Saint-Laurent: réinvestir dans les universités, miser sur la formation, combattre le décrochage scolaire.

Un quatrième message, c'est que derrière l'objectif de la création de richesse, qui doit reposer sur une augmentation de la productivité, le Projet Saint-Laurent mise sur l'innovation. La plupart des politiciens parlent de l'innovation, le plus souvent en en faisant un slogan assez creux. Mais ce projet propose une approche concrète et bien comprise, où l'innovation porte ses fruits lorsque les idées peuvent se traduire dans l'activité économique.

Il y a un cinquième message dans ce projet, et c'est le rôle central de la métropole. «Montréal, promet M. Legault, deviendra, plus que jamais, le navire amiral du développement d'une économie moderne au Québec.» Ce n'est pas quelque chose que l'on entend souvent chez nos politiciens. Et le chef caquiste, avec sa trame de la vallée du Saint-Laurent, a peut-être trouvé une façon d'amener le Québec à marcher et à mâcher de la gomme en même temps, à donner à Montréal la place qui doit être la sienne sans oublier les autres pôles de la province.

Bien sûr, ce projet n'est qu'une ébauche. En politique, le succès repose sur la capacité de traduire les promesses en réalisations. Mais tout doit commencer par de bonnes idées et des priorités bien choisies. Et c'est ce qu'on trouve dans le Projet Saint-Laurent.