Dans les années 70 et 80, la ville de New York était le symbole de la violence urbaine, la capitale américaine de l'homicide, un stand de tir à ciel ouvert. Puis, à partir des années 90, le nombre d'homicides par armes à feu a chuté de plus de 80%! Ce phénomène inédit n'est pas encore parfaitement expliqué. Mais Sortir les armes de la rue (c'est l'intitulé d'une stratégie policière adoptée en 1994) a sûrement contribué de façon importante à la pacification de la mégapole.

Aussi, il n'est guère étonnant de voir de prestigieux New-Yorkais intervenir aujourd'hui dans le débat national sur le contrôle des armes à feu.

Il y a une semaine, Yoko Ono a présenté un photomontage des lunettes ensanglantées de John Lennon, la plus célèbre victime des armes de la rue, abattu le 8 décembre 1980. Puis le maire Michael Bloomberg est entré dans le débat à son tour, investissant 12 millions de dollars puisés à même sa fortune personnelle pour appuyer la réforme.

«Bloomberg ne sera pas capable d'acheter l'Amérique!» a aussitôt réagi Wayne Lapierre, de la National Rifle Association, insensible à la drôlerie de sa réplique: il dirige un des lobbies les mieux financés au pays...

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De fait, la NRA semble avoir gagné le premier round. Une partie de la réforme souhaitée par Barack Obama et boulonnée par son vice-président Joe Biden, celle concernant le bannissement des armes d'assaut, a déjà coulé à pic dans les eaux tumultueuses du Congrès. Il faut dire que l'affaire est complexe, comme on l'a constaté entre 1994 et 2004 alors que de telles armes ont théoriquement été prohibées, sans résultats probants.

Reste donc l'autre partie importante de la réforme, la vérification obligatoire des antécédents en matière de crime et de santé mentale de tout acheteur d'armes - actuellement, 40% des transactions échappent à tout contrôle.

Or, la nécessité d'une telle vérification tombe sous le sens. Plus de 85% des Américains possédant des armes sont d'accord. C'est sur ce point que Bloomberg se bat, sachant qu'en avril, ce ne sera pas du tout cuit au Congrès. Son arme? Une pub télé destinée à 13 États politiquement cruciaux dans ce débat. On y voit un homme armé, assis à l'arrière d'un pick-up dans un cadre rural, qui a d'abord soin de célébrer le Deuxième amendement (sur le droit d'être armé)!

Tout cela nous semble caricatural. Mais peut-être faut-il en passer par là, tant la tragédie sans fin de la mort par les armes est elle-même une macabre parodie.

Depuis la mort de John Lennon, plus d'un million d'Américains sont tombés sous les balles. Chez eux, pas en Irak ou en Afghanistan. Et dans les 100 jours écoulés depuis le massacre dans une école primaire de Newtown, plus de 3000 ont subi le même sort. C'est davantage que le nombre de victimes des attentats du 11 septembre 2001 dont les New-Yorkais, et l'Amérique entière, ne se sont pas encore remis.