Les adeptes de violence brute salivent. Les invectives échangées en rafales par Nick Diaz et Georges St-Pierre promettent une conclusion fracassante du gala UFC 158 qui fera vibrer le Centre Bell jusqu'aux petites heures la nuit prochaine.

Cette haine viscérale qui anime les deux gladiateurs vedettes m'inquiète un peu. En fait non: aux risques de passer pour une petite nature, cette haine m'inquiète pas mal.

Je veux bien croire que les attaques verbales de Diaz à l'endroit de St-Pierre et les répliques de GSP sont normales. Qu'elles font partie d'une mise en marché savamment concoctée par le grand chef Dana White, le génie de la promotion derrière la popularité mondiale du UFC.

Mais au-delà des mots, il y a des signes qui ne mentent pas. Ces deux gars-là se détestent pour vrai. Ils s'haïssent. Ils ne voudront pas seulement gagner cette nuit, ils voudront battre leur ennemi. Le battre au sens propre, comme au sens figuré.

Diaz voudra achever St-Pierre pour appuyer ses prétentions selon lesquelles le Québécois n'est qu'un bourgeois de l'octogone. St-Pierre voudra prouver à Diaz et à tous ceux qui pensent comme lui qu'un gladiateur peut à la fois être distingué, respectueux, capable d'enfiler plus que cinq mots dans une conversation et être capable de broyer les os de son rival.

Conséquences tragiques?

C'est pour ça que je suis inquiet. Il me semble que le duel tant attendu, voire espéré, nous arrive sur fond de malaise. Qu'il nous réserve une surprise désagréable.

Je ne parle pas ici d'une défaite de St-Pierre. Je parle d'un débordement de haine qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses. Graves. Je me retiens à peine pour écrire tragiques!

St-Pierre est un homme intelligent. Un combattant brillant. S'il est vrai qu'il n'a pas achevé ses adversaires assez souvent, comme Nick Diaz et certains «connaisseurs» des arts martiaux mixtes (MMA) le lui reprochent, c'est parce qu'il n'a jamais eu besoin de le faire. En contrôle de ses gestes, de sa puissance, de son esprit, par respect pour des adversaires qui ne faisaient pas le poids, St-Pierre ne s'est jamais vraiment arrêté à l'importance de les humilier.

Il s'est contenté de gagner.

Cette stratégie l'a bien servi. Elle l'a hissé tout en haut de la gigantesque pyramide du UFC, lui offrant célébrité et fortune en guise de récompenses.

Avec ses attaques verbales, Nick Diaz s'est peut-être assuré d'un changement de stratégie de St-Pierre. Un changement souhaitable pour l'Américain qui pourrait alors faire chèrement payer cette décision au favori de la foule.

Si St-Pierre perd son contrôle, s'il décide de répondre aux attaques de son rival en passant bêtement à l'attaque au lieu de dicter l'allure d'un combat qu'il a tout intérêt à ne pas transformer en bagarre de rue, Diaz pourrait en profiter.

Ne vous laissez pas berner : Diaz a peut-être l'air fêlé, perturbé, un brin, ou deux, ou trois, névrosé. Il demeure un combattant solide. Dangereux. Un bagarreur capable d'assommer tout adversaire d'un coup de poing.

Un gladiateur en grande forme. En très grande forme. Un athlète qui complète son entraînement en MMA en s'offrant des triathlons comme d'autres s'offrent une tranquille ascension du Mont-Royal.

Pelletier : passion extrême

Artiste, chanteur dans sa vie professionnelle, Bruno Pelletier est un adepte des arts martiaux dans sa vie personnelle. Dans sa vie tout court.

Ceinture noire de karaté, solide en kick-boxing, Pelletier n'a pas laissé ses 50 ans le priver de sa passion pour les arts martiaux. Une passion qui s'est étendue aux MMA, qu'il aurait pratiqués sans l'ombre d'un doute s'ils avaient été populaires il y a 20 ou 25 ans.

«J'aurais plongé dans ça», a convenu Pelletier, avec qui je me suis entretenu vendredi à son retour d'Europe où il venait de compléter une tournée promotionnelle.

N'eut été l'ajout d'un spectacle qu'il donnera à Sainte-Julie, ce soir, Bruno Pelletier aurait d'ailleurs été assis sur le bout de son siège à quelques rangées de l'octogone au Centre Bell. «Si tout va comme prévu, je suivrai le combat à la Cage aux Sports», a répliqué Pelletier en riant.

Bruno Pelletier ne rit pas lorsqu'il parle d'arts martiaux. Il en parle avec sérieux, avec passion, avec respect.

Le chanteur comprend très bien que l'octogone, le sang, la brutalité des coups portés et l'allure de certains gladiateurs rebutent bien des gens. Que ces images génèrent un dégoût impossible à apaiser.

«Avec le temps, je me suis résigné à tenter de convertir les gens. Si ces images les repoussent, et je comprends ça, ils ne peuvent saisir tout ce que ce sport représente», m'a lancé Pelletier.

À tous ceux qui sont prêts à passer outre les images négatives, ou au moins à tenter de le faire, Pelletier promet un sport fascinant.

«La première chose que les gens doivent réaliser c'est à quel point ces gars-là sont en forme. À quel point ils sont forts physiquement et forts mentalement. À quel point ils sont agiles et qu'ils maîtrisent plusieurs sports. À mes yeux, les combattants extrêmes sont comme des triathlètes. Ils doivent puiser dans leurs ressources physiques. Dans leur force intérieure sans laquelle il est impossible de relever tous les défis qui se succèdent à l'entraînement, en compétition ou en combat. Quand on dit que ces athlètes sont des machines, ce n'est pas juste une expression, c'est une réalité.»

Bruno Pelletier ne partage pas mes craintes à l'égard des débordements possibles lors du duel final de ce soir. En fait, il est convaincu que St-Pierre, pas plus que Diaz, ne sera affecté par le crescendo médiatique des dernières semaines.

«Tu n'as pas idée à quel point ces athlètes sont concentrés. C'est l'un des aspects les plus importants des arts martiaux. Tu dois être en plein contrôle de tes émotions. De tes pulsions. C'est essentiel. Car avec les risques que tu cours lorsque tu mets les pieds sur une surface de combat, la moindre perte de concentration peut être fatale. Je suis convaincu qu'on aura un grand duel. Un combat dur. C'est sûr. Mais un grand combat», a conclu Pelletier.

Pour la santé physique et mentale de Georges St-Pierre, Nick Diaz et tous les autres gladiateurs qui défileront dans l'octogone ce soir, j'espère vraiment que Bruno Pelletier a raison.