Aux États-Unis, 54% des fidèles de l'Église catholique appuient le mariage gai. En Autriche, la majorité des prêtres catholiques se disent en faveur de l'ordination des femmes. Dans une pétition qui circule depuis un an, un groupe de 143 théologiens allemands, autrichiens et suisses appellent à une profonde réforme de l'Église de Rome, incluant l'abolition du célibat des prêtres et l'acceptation des couples homosexuels.

Il y a un an, le Vatican a placé en tutelle une organisation qui regroupe 80% des religieuses catholiques aux États-Unis. Son péché? «Un féminisme radical incompatible avec la foi catholique», selon le Saint-Siège. Plus précisément, la Conférence du leadership des religieuses avait remis en question certains dogmes de l'Église touchant l'ordination des femmes, la sexualité humaine en général, et l'homosexualité en particulier.

Aucun gouvernement aussi coupé non seulement de son peuple, mais également de ses propres représentants, ne se ferait réélire sans revoir de fond en comble ses positions. Sauf que le Vatican n'est pas un gouvernement démocratique. Et que, de pape en pape, il refuse de moderniser son message, au risque de voir les églises se vider.

Et les églises se vident, surtout là où le gouffre entre la réalité et la doctrine catholique est le plus profond: en Occident, tout particulièrement en Europe. En choisissant, pour la première fois de son histoire, un pape originaire de l'Amérique latine, les cardinaux ont-ils voulu envoyer un signal? Récompenser ce continent pour sa ferveur religieuse?

Quand on regarde les statistiques démographiques, il semble qu'on soit plutôt devant une opération de sauvetage. C'est que l'Église catholique est aussi en perte de vitesse dans les pays latino-américains. Pas tellement parce que les églises s'y vident. Mais à cause de la concurrence des églises évangéliques, qui ont essaimé à travers les pays latino-américains au cours des dernières décennies.

Prenez le Brésil, l'un des plus grands pays catholiques de la planète. Eh bien! , les évangéliques pentecôtistes y représentaient 15,4% de la population en 2000, contre 22,2% en 2010 - une progression fulgurante de 50%. (En passant, à qui la faute? Entre autres à Washington, qui a favorisé cette progression pour mettre des bâtons dans les roues des théologiens de la libération, longtemps vus comme de méchants communistes...)

En d'autres mots, l'Église catholique n'est pas menacée uniquement par son anachronisme. Mais aussi par d'autres Églises, pas nécessairement plus modernes, mais souvent plus proches des gens, si ce n'est carrément populistes. Comment faire pour freiner son déclin? Faut-il jouer sur les deux tableaux à la fois?

C'est l'un des immenses défis qui échoient au primat argentin Jorge Mario Bergoglio, ce jésuite qui a la réputation de vivre en ascète, au point de cuisiner lui-même ses repas, d'aller travailler en autobus et d'inciter les représentants de l'Église à aller voir dans les rues ce qui s'y passe. Mais qui n'en est pas moins ultraconservateur sur le plan social. Il y a deux ans à peine, au moment où l'Argentine légalisait le mariage gai, le futur pape avait qualifié l'homosexualité de «démon infiltré dans les âmes», rien de moins. Il est peu probable que ce soit lui qui ébranle les colonnes du Temple...

Héritier d'une Église secouée par les scandales sexuels, les intrigues politiques et financières, François n'est pas à un défi près. Peut-être réussira-t-il à donner un visage plus sympathique à l'Église que ne l'a fait son prédécesseur. Peut-être réussira-t-il à panser quelques plaies. Ou à donner un nouveau souffle à l'Église catholique dans les pays latino-américains, ou ailleurs dans le Sud. Peut-être même qu'il redonnera un peu de pertinence politique au discours de l'Église, comme l'avait fait, en son temps, Jean-Paul II. Mais une révolution au sein de l'Église? Ça prendrait un miracle.