Maintenant, la poussière est vraiment retombée. Après un décevant Sommet sur l'enseignement supérieur, après deux tentatives - bien sûr violentes - de ressusciter l'effervescence de la «rue», il appert qu'il n'y aura pas de Printemps érable 2.0.

Il y a un an, début mars 2012, le nombre d'étudiants en grève franchissait la barre des 100 000 et le cycle des manifestations s'amorçait. Allait suivre un épisode inédit de turbulence sociale, de violence presque quotidienne, de dégénérescence du débat public et d'exaltation romantique dans les grands médias.

Tout cela est terminé. Pour l'instant. Mais restent les conséquences.

Quelles sont-elles?

La plus lourde prend la forme d'une occasion ratée: il ne sera plus question d'enseignement supérieur avant des lunes. C'est-à-dire jusqu'au moment où on rendra publics les rapports des multiples chantiers ouverts lors du Sommet... rapports qui pourraient tout simplement mourir dans l'indignité sur des tablettes, ces limbes de l'éternité étatico-bureaucratique.

Ensuite, la «rue» a contribué à renverser un gouvernement honni. Mais l'était-il tant que ça? Malgré la haine proférée sur toutes les tribunes, malgré les casseroles, le parti de Jean Charest est passé à un cheveu de récolter davantage de voix que le Parti québécois. Résultat? Nous voilà gratifiés d'un gouvernement paralysé par ses contradictions et par la frivolité manifestée au printemps 2012.

Les étudiants, enfin? Ils ont beaucoup gagné, essentiellement du fric: annulation de la hausse des droits de scolarité (oui, l'indexation est bel et bien un gel) et bonification de l'aide étatique. Mais ils ont aussi beaucoup perdu, essentiellement du temps... qu'il leur a fallu reprendre en session extraordinaire à la sueur de leur front: c'est pourquoi plusieurs ont cette fois-ci voté contre la grève et signé l'armistice.

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Ça ne change pas le Québec, mais... ça nous en apprend un peu sur la nature de la bête.

Ainsi, la nation est ancrée dans le statu quo à un point où elle l'a rarement été. Le confirme le fait que les luttes de ce que nous appelions jadis les «forces vives» de la société, dont la jeunesse, se font aujourd'hui sur un mode strictement corporatif et contre toute évolution envisageable.

Justement: le principe de réalité, celui qui commande de voir le progrès là où il est accessible, et non pas dans les lubies des théoriciens, est porté disparu. En témoigne l'étrange irruption dans le débat de l'idée de gratuité de l'enseignement supérieur.

Enfin, dans la ville réputée la plus calme des Amériques, on a institutionnalisé une forme de violence urba ine sans but, exercée sur le mode du party à répétition. Elle a encore sévi, mardi, et le fera à nouveau puisqu'elle est tolérée.

Cette violence, ainsi que son pendant ordurier dans les joutes oratoires, constituent pour l'instant ce qui, chez nous, tient lieu de progrès.