Agnès Maltais, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, aussi ministre du Travail, a été vexée du parallèle que l'on a fait entre les réductions de prestations qu'elle a annoncées pour certains bénéficiaires de l'aide sociale et la réforme de l'assurance-emploi du gouvernement Harper.

Il est vrai que les modifications qu'elle entrevoit, qui permettront des économies d'une quinzaine de millions, sont beaucoup plus modestes que la vaste réforme du programme fédéral. Mais les deux démarches procèdent d'une même logique. Et en dénonçant les mesures fédérales sur un mode enflammé, la ministre a ouvert toute grande la porte à ceux qui lui ont servi la même médecine, se retrouve avec des manifestants devant ses bureaux et se fait vertement dénoncer par Françoise David de Québec solidaire.

L'aventure de Mme Maltais illustre un problème qui hante le gouvernement Marois depuis le début. Avant de prendre le pouvoir, le PQ s'est collé aux causes militantes et aux mouvements de contestation, parfois par affinité naturelle, mais souvent par calcul politique. Le PQ a créé des illusions, et ensuite déçu les attentes et trahi bien des alliés.

Le nouveau gouvernement découvre maintenant que les casseroles peuvent se transformer en boomerangs qui reviennent dans le front de ceux et celles qui les brandissaient.

Dans le cas de Mme Maltais, la confusion entre le militantisme et les contraintes de l'exercice du pouvoir est encore plus flagrante parce que c'est en tant que ministre qu'elle a dénoncé sans nuances la réforme fédérale, qu'elle était dans la rue avec les manifestants, qu'elle a jeté de l'huile sur le feu, oubliant qu'elle n'est pas un leader syndical et que ses fonctions peuvent l'obliger à prendre des décisions impopulaires.

Et voilà pourquoi ses alliés sont tombés des nues quand ils ont appris que de nouvelles règles, discrètement publiées dans la Gazette officielle, prévoyaient des réductions de prestations, notamment pour deux catégories de bénéficiaires de l'aide sociale, les couples avec jeunes enfants et les célibataires entre 55 et 58 ans.

Ils perdront une prime de 129$ par mois, qui compensait le fait que, dans leur cas, la réinsertion sur le marché du travail était plus difficile. Leur prestation passera de 733$ à 604$ par mois, une baisse de 18%. Même si certains pourront être compensés par une prime temporaire de 195$, ces coupes sont plus brutales que les changements à l'assurance-emploi, parce qu'elle frappent des gens très pauvres, vulnérables, qui risquent d'être souvent incapables de s'adapter aux nouvelles règles du jeu.

Mais ce qui étonne dans cette mesure passée en douce, c'est qu'elle repose sur trois principes qui sont exactement ceux que défend le gouvernement Harper dans sa réforme de l'assurance-emploi.

Premièrement, l'existence d'un cercle vicieux qu'il faut briser, dans un cas la non-participation au marché du travail, dans l'autre la culture des emplois saisonniers. Deuxièmement, l'idée qu'en serrant la vis, on forcera les gens à changer leurs comportements pour leur plus grand bien. Troisièmement, la conviction que ces mesures sont adaptées à la réalité du marché du travail et qu'il y a des emplois disponibles pour ces clientèles.

Pourtant, Mme Maltais, quand elle a dénoncé Ottawa, ou quand elle est allée sermonner la ministre fédérale Diane Finlay, s'est bien gardée de dire qu'elle n'était pas en désaccord avec les principes sous-jacents à la réforme fédérale. Trop heureuse qu'elle était de trouver un terrain de combat contre le gouvernement fédéral et d'affirmer qu'il prônait des valeurs incompatibles avec celles du Québec. Et voilà pourquoi Agnès Maltais souffre maintenant d'un cas aigu d'arroseuse arrosée.