Sous les conservateurs de Stephen Harper, le gouvernement fédéral adopte des politiques allant à l'encontre des valeurs québécoises, entend-on souvent dire. La réforme de l'assurance-emploi serait le plus récent exemple du fossé qui s'élargit entre le Québec et le reste du pays.

Cette vision des choses est caricaturale. On en a une preuve dans les changements qu'envisage le gouvernement Marois au programme d'aide sociale. La ministre responsable, Agnès Maltais, a raison de souligner que ces changements ne sont pas de la même envergure que la réforme de l'assurance-emploi. Cependant, les objectifs des deux politiques sont exactement les mêmes: réduire les dépenses publiques, inciter la clientèle concernée à chercher un emploi et combler la pénurie de main-d'oeuvre.

Devant la colère suscitée par le projet de règlement, Mme Maltais donne des signes de vouloir reculer. Cette affaire n'en illustre pas moins que le gouvernement fédéral n'a pas le monopole des compressions dans l'aide aux démunis.

On a pu voir le même phénomène à l'oeuvre dans le domaine du soutien aux arts. On se souvient du tollé suscité au Québec par l'abolition, par le gouvernement Harper, de certains programmes d'aide à la diffusion de la culture canadienne à l'étranger. «Stephen Harper se désintéresse complètement de notre culture et du sort de nos artistes», dénonçait alors la chef du Parti québécois, Pauline Marois.

Or, cinq ans plus tard, qui diminue les sommes consacrées au soutien aux arts? Le gouvernement péquiste. À la grande déception du milieu concerné. Le Conseil québécois du théâtre s'est même dit «grandement sceptique quant à la pleine volonté du gouvernement Marois de contribuer à un réel développement des arts au Québec.»

Conclusion: en situation budgétaire difficile, le gouvernement du Québec n'épargne pas davantage les programmes sociaux et le soutien à la culture que le gouvernement fédéral.

La ligne dure adoptée par le gouvernement conservateur en matière de lutte au crime est également décrite, par plusieurs, comme foncièrement différente du «modèle québécois». Pourtant, à l'instar de bien d'autres Canadiens, un grand nombre de Québécois souhaitent que des peines plus sévères (jusqu'à la peine de mort) soient infligées aux criminels.

Même chose pour l'indifférence du gouvernement Harper à l'égard du dossier environnemental. Si l'on exclut l'hydroélectricité, qui fut un choix économique bien plus qu'écologique, les Québécois ne sont pas plus respectueux de l'environnement que les Canadiens des autres régions, comme l'a bien montré notre collègue François Cardinal dans son livre Le Mythe du Québec vert.

Bien sûr, le Québec est une «société distincte». Cependant, au plan des politiques comme des valeurs, le fossé est loin d'être aussi profond que veulent nous le faire croire ceux qui s'acharnent à le creuser.