À quelques heures de l'ouverture du Sommet sur l'enseignement supérieur, nous sommes plus inquiets que jamais quant à l'issue de la rencontre. Il y aura consensus ou quasi-consensus, c'est sûr. Le gouvernement a trop investi de capital politique dans l'événement pour ne pas trouver une issue susceptible de rallier les étudiants - qui ont déjà tout gagné - et les recteurs - qui sont impuissants de toute façon.

L'inquiétude vient, notamment, de ce qu'on ne sait à peu près rien des intentions du gouvernement sur les enjeux autres que les droits de scolarité. Des 32 pages du «cahier du participant» finalement publié jeudi, seulement 4 portent, en termes très vagues, sur les propositions gouvernementales. Six pages - deux de plus! - sont consacrées aux «renseignements utiles» (accès au site, horaire des navettes, etc.). Le reste du document est constitué d'une série de phrases creuses, du genre: «Pour le Québec, le savoir et sa transmission s'avèrent un véhicule indispensable à la valorisation de son patrimoine culturel et scientifique.»

Le ministre responsable, Pierre Duchesne, promet que le Sommet mènera à de «grandes réformes». Qui, au juste, réclamait de «grandes réformes» ? En tout cas, le peu qu'on laisse voir des changements envisagés n'est pas rassurant.

Sur le financement des universités, la réforme est en fait... le statu quo. Que l'indexation des droits soit à 2% ou à 3%, les étudiants québécois vont continuer à payer moins du quart du coût de leur formation. Pour ce qui est des subventions de l'État, le gouvernement Marois promet un réinvestissement important... sur une période de 7 ans. On comprend les recteurs d'être sceptiques.

M. Duchesne voudrait modifier la formule de financement des universités. Il n'évoque qu'une hypothèse: donner plus d'argent aux universités formant davantage de «diplômés de première génération». Depuis 50 ans, les universités québécoises ont accueilli des centaines de milliers d'étudiants de première génération sans avoir eu besoin d'incitatifs financiers. Pourquoi en faudrait-il aujourd'hui?

L'autre réforme envisagée est la création d'un «conseil national des universités» qui «veillerait à la cohérence du développement du système universitaire». Toute une révolution que voilà! Il y a eu un conseil des universités au Québec de 1968 à 1993; le développement du système était-il plus cohérent à cette époque? Si les fonctionnaires n'ont pu encadrer le réseau suffisamment au goût du ministre, pourquoi un organisme supplémentaire y parviendrait-il?

Le gouvernement Marois soutient que le Sommet n'est qu'«une étape dans notre voyage». Pur camouflage. Le Sommet, c'est la fin du débat sur le financement des universités. Les associations étudiantes ont gagné; les universités - et le Québec - ont perdu.