Le cinéma peut-il enseigner l'Histoire? Lorsqu'il le fait, obtient-il suffisamment d'audience? Et présente-t-il alors correctement le passé sur le plan du respect des faits et de la neutralité idéologique?

Ces questions intéressent au moment où plusieurs récits historiques sont en lice pour les Oscars. Parmi eux: Lincoln, de Steven Spielberg, portant sur une tranche de vie du président américain; Zero Dark Thirty, de Kathryn Bigelow, sur la traque et la mort d'Oussama ben Laden.

À eux seuls, ces deux titres illustrent parfaitement les difficultés qui se présentent en ce domaine, y compris au Québec. Leur coût de production parfois astronomique. Leur situation dans le temps: plus les faits relatés sont récents, moins on en sait sur eux et plus la subjectivité menace.

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Au Québec, on peut plaider que la représentation de l'Histoire a été particulièrement réussie dans le cas, entre autres, de deux productions: la série télé Duplessis, de Denys Arcand, et le film Les Ordres, de Michel Brault. (Il serait déprimant de rappeler nos nombreux échecs...) Toutes deux ont accédé à l'existence malgré un budget modeste. Toutes deux ont eu un impact que l'enseignement formel de l'Histoire n'a pas.

À titre anecdotique, remarquons que c'est pareil pour l'histoire de la culture. Et ce, du film La Forteresse (1947), de Fyodor Otsep, une fiction qui a immortalisé le Concerto de Québec du compositeur André Mathieu avant qu'Alain Lefèvre ne le fasse plus amplement; jusqu'à Dédé à travers les brumes (2009), de Jean-Philippe Duval, sur le chanteur des Colocs mort neuf ans plus tôt.

Bref, oui, le cinéma ou la télévision peuvent enseigner l'Histoire.

Correctement?

Avant de mettre l'image au banc des accusés, il faudrait s'interroger sur l'école dont c'est vraiment la responsabilité. Enseigne-t-elle suffisamment l'Histoire? Objectivement? Difficile d'en juger parce que cela varie beaucoup d'une école à l'autre, d'un professeur à l'autre... alors que l'oeuvre cinématographique, elle, se présente à tous telle qu'elle est.

Une critique souvent formulée à l'endroit de la mise en images de l'Histoire est qu'elle vise d'abord le divertissement.

C'est parfois exact. Ainsi, la Michael-Moorisation du documentaire sur l'histoire récente a engendré un militantisme-spectacle qui a proliféré aux dépens de la vérité. En outre, il est parfois difficile de faire la part de la réalité et de l'ajout dramatique autant dans des superproductions comme Thirteen Days, de Roger Donaldson, sur la crise des missiles de Cuba, que dans des oeuvres plus modestes comme Polytechnique, de Denis Villeneuve, sur le massacre que l'on sait.

Cela condamne-t-il l'entreprise? Non. L'Histoire est aussi mal connue de bien des gens que la physique des particules, y compris au Québec. En apprendre un peu sur elle, même par cette sorte de cours accéléré qu'offre l'image, vaut mieux que de n'en rien savoir du tout.