La renonciation de Benoît XVI ouvrira-t-elle la voie au renouvellement du discours de l'Église catholique souhaitée par maints Occidentaux? Malheureusement non. Il est en effet acquis, si l'on en croit les observateurs des affaires vaticanes, que le successeur de Joseph Ratzinger sera tout aussi conservateur que lui et que Jean-Paul II. «Il n'y a plus de libéraux parmi les cardinaux», tranche John Allen, le vaticaniste du National Catholic Reporter. Les membres du conclave qui éliront le prochain pape ont tous été nommés par Jean-Paul II et Benoît XVI.

L'Église évolue, pourtant. La «démission» de Benoît XVI en est la preuve. Le précédent est créé. Désormais, un pontife devra abandonner son poste si sa santé ne lui permet plus de s'acquitter de ses tâches. En cela, le pape a fait un geste proprement révolutionnaire.

L'Église change, donc. Sur bien des sujets, notamment en matière d'économie et de justice sociale, elle est tout à fait moderne. En cela, le procès que lui font certains est injuste. Cependant, à l'égard de questions comme la sexualité, l'avortement, la place des femmes et le célibat des prêtres, elle reste prisonnière de dogmes qui n'ont cessé de l'éloigner de la culture occidentale, y compris de la vision du monde de nombre de catholiques.

Parmi les papabili, aucun n'a exprimé de volonté d'ouvrir sur ces questions un dialogue avec la société civile. Cette crispation assure que le catholicisme continuera de reculer en Occident. D'autant qu'avec les multiples scandales d'agressions sexuelles, cette position paraît non seulement rétrograde, mais hypocrite.

On dit qu'en s'entêtant ainsi, l'Église a les yeux tournés vers les continents où son potentiel de croissance - disons-le ainsi - est plus grand: l'Afrique, l'Asie, l'Amérique du Sud. Mais à mesure que ces régions se développent, la perception du rôle de la femme et de la sexualité se modernise là aussi. Au Brésil, pays du monde qui compte le plus grand nombre de catholiques, l'Église est en recul. En 2009, l'épiscopat local et le Vatican y ont suscité l'indignation en excommuniant la mère et les médecins d'une enfant de 9 ans qui avait subi un avortement après avoir été violée.

Cela dit, même si la pensée du Vatican évoluait en ces matières, la reconquête des esprits ne serait pas acquise. Comme le souligne la théologienne Solange Lefebvre (voir autre texte), la quête de spiritualité prend aujourd'hui des formes beaucoup plus diversifiées, personnalisées, «fluides» qu'autrefois. Organisation fortement hiérarchisée, l'Église romaine est particulièrement mal adaptée à ce nouveau contexte.

Enfin, dans le cas particulier du Québec, l'Église catholique a été si catégoriquement rejetée qu'il est difficile d'imaginer qu'un nouveau pape, fut-il d'ici, puisse y ranimer durablement la foi.