En parcourant un peu trop rapidement des articles de presse sur Kathleen Wynne, la nouvelle première ministre de l'Ontario, j'ai d'abord lu qu'elle était spécialiste de la méditation. Je me suis dit qu'elle en aura bien besoin, elle qui hérite d'un gouvernement en piteux état!

Une relecture plus attentive m'a toutefois permis d'apprendre que Mme Wynne est diplômée d'Harvard en... médiation. Voilà une bonne chose, remarquez, parce qu'elle en aura bien besoin aussi pour tenter de régler les épineux dossiers laissés sur son bureau par son prédécesseur Dalton McGuinty.

On a beaucoup dit et écrit, partout au pays, que Mme Wynne est la première homosexuelle élue à la tête d'une province canadienne et qu'elle n'était pas la favorite, au départ, pour gagner la course à la direction du Parti libéral de l'Ontario. Cela dit, comme elle l'a affirmé elle-même samedi soir, cette première étape «était la partie la plus facile».

Les défis qui se dressent devant la nouvelle première ministre semblent, en effet, insurmontables.

Rappelons d'abord que les libéraux sont minoritaires à Queen's Park et que même si l'arrivée de Mme Wynne pourrait calmer un peu les ardeurs des néo-démocrates d'Andrea Horwath, les conservateurs de Tim Hudak, eux, n'ont pas l'intention de laisser la nouvelle chef libérale savourer sa lune de miel.

Moins de deux jours après son accession au poste de première ministre, Mme Wynne a dû essuyer lundi une première salve de publicités négatives des conservateurs, des spots radio de 30 secondes disant aux Ontariens que la nouvelle chef libérale leur coûtera trop cher. Un pied de nez à la main tendue par Mme Wynne aux partis de l'opposition.

Calme, sereine, la nouvelle première ministre de 59 ans a dit dans des entrevues qu'elle ne se laissera pas entraîner dans le jeu des conservateurs, mais disons que ses talents de médiatrice lui seront drôlement utiles pour la suite des choses.

Élue pour la première fois au Parlement ontarien en 2003, Kathleen Wynne est devenue ministre de l'Éducation en 2006, dans le gouvernement de Dalton McGuinty. Elle est par la suite passée aux Transports et elle a déjà indiqué qu'en plus de son job de première ministre, elle se réserve le ministère de l'Agriculture - question, pour cette Torontoise, de mieux connaître l'Ontario rural. Une intellectuelle gaie de Toronto dans les terres souvent très conservatrices de la campagne ontarienne. Voilà un des très nombreux défis qui attendent Mme Wynne.

Cette mère de trois enfants (elle a été mariée à un homme pendant 25 ans avant d'épouser sa compagne actuelle, en 2005) devra d'abord, comme tout nouveau chef après une course à la direction, réconcilier sa famille politique.

Kathleen Wynne a toutefois démontré dans sa campagne à la direction qu'elle sait s'entourer de gens influents et efficaces au sein du Parti libéral ontarien.

À la reprise des travaux à Queen's Park, dans trois semaines, Kathleen Wynne devra toutefois défendre un gouvernement usé par neuf ans de pouvoir et amoché par des scandales et des erreurs qui auront fini par causer la perte de Dalton McGuinty. Le tout sur fond de contestation des enseignants et des fonctionnaires.

Les libéraux ontariens ont changé de chef, mais leurs problèmes ne se sont pas effacés.

L'automne dernier, l'ex-premier ministre McGuinty a dû proroger le Parlement en catastrophe et annoncer qu'il démissionnait lorsqu'on a appris que l'annulation, par son gouvernement, de deux projets de centrales thermiques avait coûté des centaines de millions à la province déjà lourdement déficitaire (environ 11 milliards cette année).

Des dépenses non autorisées et des histoires de favoritisme aux services ambulanciers aériens de la province ont aussi alimenté les manchettes au cours des derniers mois.

Les libéraux font aussi face à la colère des enseignants, soumis à une loi spéciale votée l'automne dernier et qui leur impose un gel de salaire pour deux ans, les prive de leur droit de grève et efface leur banque de jours de congé de maladie.

Mme Wynne a admis que le gouvernement McGuinty avait mal géré les négociations avec les enseignants, ajoutant toutefois que la province ne peut leur offrir plus d'argent.

Pour retrouver l'équilibre budgétaire en 2018, comme prévu, le gouvernement ontarien veut par ailleurs revoir le salaire des fonctionnaires et réformer l'aide sociale, deux autres bombes politiques à retardement.

Au moment même où elle célébrait sa victoire, samedi soir au Maple Leaf Garden, des milliers de fonctionnaires descendaient dans les rues avoisinantes pour dénoncer la loi spéciale imposée aux enseignants. Un prélude à un printemps ontarien?

Kathleen Wynne est devenue la fin de semaine dernière la sixième femme dirigeant une province ou un territoire au Canada. Elle aura besoin de tous ses talents de médiatrice, et peut-être même d'un miracle, pour ne pas devenir, au cours des prochains mois, la première à perdre son poste.