On a eu tendance, depuis quelques jours, à comparer la montée des revendications autochtones au printemps érable. Cette comparaison est vraiment boiteuse. Les deux événements ont un seul point commun, le fait d'être des mouvements de protestation. Mais les similitudes s'arrêtent là, car il n'y a rien de semblable dans leur nature, leur gravité et leur dynamique.

Le printemps érable québécois était un mouvement social assez classique. Une revendication précise, les droits de scolarité, nourrie par un climat général de ras-le-bol à l'égard des politiciens, sur toile de fond d'une résistance à la culture d'austérité. Un enjeu assez mineur, et un mouvement qui s'est rapidement dégonflé.

Il est gênant de comparer l'agacement des étudiants à payer quelques centaines de dollars de plus pour leurs études au drame vécu par une bonne partie du million d'autochtones qui vivent au Canada - la pauvreté, l'exclusion, la mortalité précoce, la déstructuration sociale.

Mais ce qui caractérise aussi le mouvement autochtone, c'est qu'il semble parfaitement insoluble. On savait depuis longtemps que, tôt ou tard, la question autochtone referait surface et qu'elle s'imposerait au débat public, comme une bombe à retardement. Mais on ne sait pas comment désamorcer cette bombe. Nos gouvernements, quels qu'ils soient, n'ont aucune espèce d'idée de la façon dont il faudrait aborder le problème et, à plus forte raison, tenter de le résoudre, comme on l'a vu aux résultats peu concluants de la rencontre de vendredi dernier entre les leaders autochtones et le premier ministre Harper.

Et ce n'est pas parce qu'on n'a pas essayé. Il y a bien sûr, de la part de la société majoritaire, dite blanche, un refus de voir les choses comme elles sont, une tendance à balayer le problème sous le tapis. Mais, depuis 40 ans, tous les gouvernements se sont attaqués à cet enjeu, parfois de façon ambitieuse, comme avec la tenue de la commission d'enquête Erasmus Dussault.

Et pourtant, on a fait peu de progrès. Pourquoi? Les obstacles sont si nombreux. D'abord le clivage culturel. On a déjà pu voir le degré d'incompréhension entre le Canada et le Québec lors des négociations constitutionnelles. Multipliez ça par 100. On en a eu un petit exemple cette semaine quand la chef Theresa Spence, qui faisait une grève de la faim pour imposer une rencontre avec le premier ministre Harper, a boycotté la rencontre parce que le gouverneur général n'y assistait pas, une exigence symbolique dénuée de sens pour la majorité.

Ou encore, la difficulté même d'atteindre l'objectif. On ne sait pas comment on pourrait assurer un niveau de vie décent à des populations qui vivent dans des endroits reculés où il n'y a pas de possibilité de création d'emploi.

Sans compter le fait que la démarche privilégiée par les autochtones - la négociation de traités avec une multitude de nations - est un processus qui, par définition, est laborieux. Une situation qui sera compliquée par le jugement de la Cour fédérale qui élargit le statut d'indien.

L'autre grand obstacle, c'est l'hétérogénéité du monde autochtone, qui se double de profondes divisions. Les flottements, perceptibles dans le camp des nations ces derniers jours, trahissent un clivage majeur entre leaders soucieux du développement et militants traditionalistes. Et donc d'absence de priorités et revendications communes.

Et de l'autre côté, la tension monte, avec une population autochtone en forte croissance, plus jeune, plus éduquée, qui n'accepte plus son sort, qui rejette parfois l'autorité de ses élites. C'est ce qui a nourri le mouvement Idle No More.

Nous nous retrouvons ainsi dans une situation où la question autochtone ne s'effacera pas. Au contraire, elle risque de prendre une place plus grande dans le débat public et de se radicaliser, sans que nous ayons des pistes de solution convaincantes. C'est ce qu'on peut appeler une tempête parfaite.