Marc Bergevin a trouvé une façon efficace de faire oublier l'absence de P.K. Subban en lever de rideau du camp d'entraînement et de contenir la déception des partisans: il a chassé Scott Gomez.

N'allez toutefois pas croire que cette décision se limite à un simple écran de fumée. Que non!

En annonçant à Gomez qu'il préférait le payer à ne rien faire cette année avant de racheter la dernière saison de son contrat l'été prochain, Bergevin fait d'une pierre plusieurs coups.

Il assoit son autorité d'une façon convaincante aux yeux des joueurs de son club, des partisans et même de ses homologues des 29 autres équipes. Car en dépit de son statut de DG recrue, le nouveau patron du Canadien a obtenu le feu vert de son propriétaire, qui versera à Scott Gomez les 3 219 512,20 $ qui l'attendent, soit la portion du salaire de 5,5 millions après la ponction de 38 matchs perdus en raison du lock-out.

Bergevin donne aussi une indication claire que les demi-mesures ne seront plus tolérées dans l'entourage de son équipe. Gomez n'est pas le seul responsable des insuccès du Tricolore lors des deux dernières saisons, c'est évident. Il n'est pas même le seul responsable de la plonge vertigineuse de ses statistiques personnelles alors que ses ailiers ont bousillé plusieurs belles occasions qu'il leur avait offertes depuis son arrivée à Montréal. Mais en affichant un je-m'en-foutisme indigne d'un athlète professionnel plus que grassement payé, Gomez était devenu un boulet pour son équipe. Un boulet sur le plan financier. Un boulet sur le plan des performances. Un boulet tout court.

Loin des jeunes

En confinant Scott Gomez à la maison, Marc Bergevin permet à son équipe de se débarrasser de ce boulet qui la ralentissait. Il se débarrasse d'un cas problème de la même façon dont Bob Gainey s'est débarrassé de Georges Laraque en 2010.

Dans sa version officielle, le Canadien assure avoir décidé de confiner Gomez à la maison pour éviter une blessure à long terme qui compromettrait son rachat l'été prochain. Car oui, un joueur confiné à la liste des blessés ne peut voir son contrat racheté pendant les deux semaines prévues à cet effet.

S'il peut se permettre de payer Gomez sans risque de fracasser le plafond salarial cette année, le Canadien n'aura pas ce privilège l'an prochain. D'où l'importance capitale de pouvoir verser les 3 millions nécessaires (les deux tiers de son salaire prévu de 4,5 millions) pour racheter le contrat de Gomez et ainsi le rayer de la liste de paye.

Au-delà de cette crainte de blessure, le Canadien s'est surtout assuré de garder Gomez le plus loin possible de ses jeunes candidats éventuels à Hamilton.

Gomez sera soumis au ballottage avant le début de la saison. Dans un monde idéal pour le Canadien, il sera réclamé. Ne retenez toutefois pas votre souffle, ce pourrait être dangereux pour votre santé.

Une fois boudé par les 29 autres équipes de la LNH, Gomez sera cédé aux mineures. Une rétrogradation théorique, car le petit centre américain sera confiné à la maison plutôt que d'être confié à Sylvain Lefebvre, qui en a déjà plein les mains avec le défi de faire de ses jeunes joueurs des candidats susceptibles de faire le saut un jour avec le grand club.

Comparaison Subban-Del Zotto

S'il a réglé le dossier Gomez en deux temps, trois mouvements, Marc Bergevin devra être plus patient dans le dossier Subban.

Beaucoup plus!

Parti de Montréal le printemps dernier avec l'intention d'y revenir avec un contrat comparable à celui de Drew Doughty des Kings de Los Angeles - 56 millions sur 8 ans, moyenne de 7 millionssous le plafond -, P.K. Subban a la tête perdue dans les nuages.

Malgré son talent, sa flamboyance, sa combativité, la force de son tir frappé et sa popularité plus grande que nature à Montréal, P.K. Subban n'est pas Drew Doughty. Le sera-t-il un jour? On verra. Mais après 160 matchs dans l'uniforme du Canadien, il ne l'est pas encore.

S'il ne peut se comparer à Doughty, P.K. peut toutefois se comparer à Michael Del Zotto. Dans la même situation contractuelle que Subban à Montréal, Del Zotto s'est entendu avec les Rangers de New York, hier matin, sur les paramètres d'un contrat de deux ans d'une valeur de 2,5 millions par année.

Rien que ça? C'est déjà pas mal.

En 204 matchs avec les Rangers, Del Zotto revendique 21 buts et 81 points. Des statistiques légèrement inférieures à celles de Subban, qui compte 21 buts et 76 points en 160 rencontres avec le Canadien.

Del Zotto est moins important à la cause des Rangers que Subban à celle du Canadien. C'est un fait. Mais ce degré d'importance n'a rien à voir avec une fluctuation de talent entre ces deux défenseurs qui n'ont rien à s'envier l'un à l'autre. Ou si peu.

Subban est plus important au Canadien parce que le Tricolore est beaucoup moins bien nanti que les Rangers à la ligne bleue. Des Rangers qui comptent sur des Marc Staal, Dan Girardi et Ryan McDonagh, que le Canadien a donné aux Blueshirts pour obtenir Scott Gomez.

Qui est l'agent de Michael Del Zotto? Don Meehan. L'agent de Subban, de Doughty et de plusieurs dizaines d'autres bons et très bons joueurs.

Avec le contrat qu'il a négocié pour Del Zotto, Meehan a donné un gros coup de main à Marc Bergevin. Il lui a offert 5 millions d'arguments que le DG du Tricolore pourra présenter à son jeune défenseur la prochaine fois qu'il négociera avec lui. Pas surprenant que Bergevin ait parlé de Meehan en l'appelant «Donny» lors de son point de presse hier, et qu'il ait louangé sa grande expérience et ses qualités de négociateur.

La question à 5 millions est de savoir si Subban acceptera de se ranger derrière les arguments de Bergevin et les conseils de son agent, ou s'il agira comme cela lui arrive souvent sur la patinoire et décidera de faire à sa tête...

Photo: Bernard Brault, La Presse

P.K. Subban