Plusieurs rituels associés à la fête de Noël ont disparu au fil des ans pour cause de déclin de la ferveur religieuse et de la taille des familles. Ou ils ont cédé devant cette sorte de rectitude qui s'en prend aux hymnes, aux crèches et aux sapins. Que faire? En adopter de nouveaux, bien sûr. Est ainsi entré dans la tradition des Fêtes le rituel de la surconsommation... et celui consistant à la dénoncer!

Le thème est inépuisable puisque cette période est bel et bien celle de la dépense démesurée et souvent irrationnelle.

L'état de l'économie a peu d'influence: 30% des Américains vont cette année investir 1000$US dans les cadeaux, contre 26% en 2011, malgré les effets encore palpables de la crise. Pour leur part, les Québécois dépenseront 2,34 milliards$CAN (voir le Blogue de l'édito), même si l'endettement des ménages atteint au Canada près de 165% du revenu après impôt.

Ceci entraîne cela. Il y a des pubs télévisées qu'on ne voit qu'en décembre: parfums au nom exotique, intégrales en 12 CDs d'artistes du siècle dernier ou hachoirs à légumes turbocompressés! Et plusieurs types de commerces, spécialisés en particulier dans les objets futiles, engrangent ces jours-ci la moitié de leurs recettes annuelles. Puis arrive janvier, mois officiel du blues de la carte de crédit.

Encore ne s'agit-il que de l'aspect économique de l'affaire.

Car celle-ci présente également un aspect moral, que des esprits éclairés ont subodoré avant même que ne soient apparues la prospérité d'après-guerre et la véritable société de consommation.

En 1912, en effet, des employées de grands magasins de New York, bien placées pour en juger, fondaient une sorte de ligue de tempérance, la Société contre la prolifération des cadeaux inutiles. Mais la notoriété de la Société fut vite récupérée par les marchands, qui se mirent à annoncer et vendre des «cadeaux utiles pour les SPUG», acronyme anglais utilisé pour désigner les membres du mouvement.

Lentement, la Société sombra dans l'oubli.

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On le sait, Noël est la version chrétienne de Fêtes païennes millénaires qui, dans presque toutes les cultures, marquaient le solstice d'hiver. Déjà, ces sociétés antiques prévoyaient festins, réjouissances collectives et cadeaux. De sorte qu'il serait présomptueux de croire qu'on puisse échapper à un rituel presque aussi ancien que l'humanité elle-même.

La surconsommation moderne n'en est que la version amplifiée jusqu'à la démesure.

Quelque 32% des Québécois attendent le mois de décembre pour se lancer dans les achats des Fêtes et les prochains jours seront ceux de l'ultime ruée. Essayons alors de réfléchir au moins un peu à la démesure. À l'utilité et à l'inutilité. À la raison première qu'avaient nos lointains ancêtres de célébrer le solstice d'hiver: le retour de la lumière, la renaissance, la victoire de la vie.

Ça, vraiment, ça n'a pas de prix... pour emprunter le slogan de la publicité.