Invité d'honneur du syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile, Donald Fehr a déclaré samedi à Toronto qu'il était ouvert aux suggestions pour régler le conflit qui paralyse la Ligue nationale de hockey depuis 86 jours.

Impossible de résister.

Avec son coup fourré de jeudi dernier - il a prétendu qu'un accord était imminent même si sa proposition de règlement ne respectait pas les trois points pour lesquels Gary Bettman et la LNH sont prêts à mourir -, Fehr a fait dérailler les négociations.

Il doit les remettre en piste. Et le plus vite sera le mieux. Un échange de courriels, en fin de semaine, n'a pas permis de rapprocher les parties. Un observateur très près du conflit m'a indiqué hier qu'il faudra encore quelques jours avant que la poussière soulevée par la rupture fracassante des négociations ne retombe complètement.

La solution la plus simple pour régler le conflit serait que Donald Fehr reconnaisse l'erreur commise jeudi et offre à Gary Bettman de signer l'entente qui était sur la table... et qui n'y est plus.

S'il refusait, le commissaire redeviendrait le seul bouc émissaire du conflit, titre peu enviable que Fehr partage avec lui depuis jeudi.

À moins que les joueurs ne l'obligent à le faire, Donald Fehr ne rendra pas les armes. Et cela n'arrivera pas, parce que les joueurs qui l'entourent dans le comité de négociation ne sont pas assez puissants pour imiter ceux qui ont forcé la main de Bob Goodenow en l'obligeant à accepter le plafond salarial en 2004-2005.

Donner pour mieux recevoir

Que faire alors? Donner à Gary Bettman ce qu'il veut, tout en proposant des ajustements qui ne lui coûteraient pas grand-chose en argent et, surtout, qui ne l'exposeraient pas à des manigances des directeurs généraux pour miner la convention.

J'accepterais donc une convention de 10 ans.

C'est long, 10 ans. C'est vrai. Mais avec tout l'argent que ses membres ont perdu au cours des deux premiers lock-out et de celui qui se prolonge, Fehr ne peut s'opposer à une telle paix syndicale s'il pense vraiment au bien des joueurs.

Le plus gros risque camouflé dans une convention si longue est associé au fait que la LNH pourrait mousser ses revenus avec des centaines de millions liés à une expansion, à des ventes d'équipes associées à des transferts ou à des contrats de diffusion dont la valeur pourrait exploser au Québec et au Canada. Des millions dont on n'a pas tenu compte dans les négociations en cours et qui échapperaient donc en partie aux joueurs s'ils devaient vraiment tomber du ciel d'ici 2022.

Mais à titre de partenaires, les joueurs bénéficieraient toujours à 50-50 de la santé financière de la Ligue. Une santé que le conflit actuel met dangereusement en péril dans plusieurs marchés des États-Unis.

Contrats à salaires fixes

Si j'étais Donald Fehr, j'accepterais aussi le principe des contrats d'une durée maximale de cinq ou sept ans dans le cas des joueurs autonomes qui demeurent avec la même équipe.

Pourquoi? Parce que cette guerre ne vaut pas la peine d'être menée.

Dans la LNH, 89 des quelque 750 joueurs profitaient de contrats échelonnés sur plus de cinq ans l'an dernier. Vingt-deux seulement avaient des contrats de huit ans et plus. Pourquoi mettre en péril les salaires de près de 700 joueurs, dont plusieurs sont au bas de l'échelle, pour 22 autres qui sont de hauts ou très hauts salariés?

Ça n'a pas de bon sens.

Il y a toutefois moyen de faire un gain ici. La LNH veut aussi limiter à 5% les fluctuations annuelles des salaires des joueurs pour éviter les contrats qui anéantissent le principe du plafond salarial. Cette préoccupation est tout à fait normale, compte tenu des multiples absurdités - commises par les propriétaires et acceptées par la Ligue, est-il besoin de le souligner une fois encore - commises depuis sept ans pour contourner le plafond et le principe d'égalité qu'il défend. Ou devrait défendre.

Si j'étais Fehr, j'offrirais alors à Bettman la possibilité de signer des contrats de longue durée en échange d'un salaire fixe pour la durée des dits contrats. Les équipes et les joueurs-vedettes pourraient profiter d'une sécurité à long terme. La LNH obtiendrait le respect du principe du plafond.

Tout le monde gagne. Ou personne ne perd.

Joueurs d'exception

S'il est possible que les revenus de la LNH croissent au cours des 10 prochaines années, il est aussi possible qu'ils stagnent à un moment donné. Sans oublier qu'une baisse de la valeur du dollar canadien par rapport à la devise américaine entraînerait une chute des revenus. Donald Fehr doit donc protéger les acquis de ses joueurs.

Si le plafond salarial baisse (c'est l'objectif avoué de la LNH d'au moins le contrôler), il est vrai qu'il restera moins d'argent une fois que les joueurs-vedettes auront passé à la caisse.

La Ligue pourrait faire appel au sens du partage des joueurs et des agents pour assurer une meilleure distribution de la cagnotte.

Mais il y a plus de chances que la fin du monde nous tombe dessus le 21 décembre que les joueurs acceptent de se livrer à cette forme d'altruisme. Mettons!

On fait quoi, alors? Je propose à Fehr de tenter d'inclure à la convention le principe selon lequel un contrat par équipe échapperait au plafond.

Ça se fait déjà, avec succès, dans d'autres sports professionnels.

Oui, ça favorise les équipes riches. Pour faire contrepoids à cette réalité que Bettman refuse d'envisager, Fehr et les joueurs devraient alors accepter que les contrats soient des boulets dont les équipes ne pourraient se défaire en reléguant un joueur et son contrat absurde dans la Ligue américaine.

Pour ravoir les 300 millions servant à amortir la chute de 57% à 50% de la part des revenus de la LNH remis aux joueurs, pour garder le statu quo en matière d'arbitrage, sur les modalités des contrats des recrues et les critères d'admission à l'autonomie complète, pour revenir encaisser leurs millions en salaires, les joueurs doivent concéder à Bettman les points auxquels il tient mordicus.

S'il est aussi adroit et rusé que sa réputation et ses faits d'armes l'indiquent, Fehr saura donner d'une main et reprendre, du moins en partie, de l'autre, de façon à ce que tout le monde sauve la face et qu'on en finisse avec ce damné lock-out.

Sur le blogue de François Gagnon:

> Deux erreurs ont miné l'entente

> Vincent Damphousse aurait dit oui!