Il y aura bientôt 25 ans, Saddam Hussein utilisait des armes chimiques contre la population d'une ville kurde collée sur la frontière iranienne, Halabja. L'opération, une retombée de la guerre Iran-Irak, a fait 5000 victimes. Puis des milliers d'autres, par mort lente, au cours de l'année qui a suivi.

D'abord ignoré à la fois par l'Occident et par le bloc de l'Est pour des raisons peu édifiantes de realpolitik, l'événement a par la suite pris le visage d'un homme. Celui du général Ali Hassan al-Majid, l'homme de main de Saddam Hussein, le bourreau de Halabja, exécuté en 2010.

On le connaît sous le surnom d'«Ali le chimique».

Certes, la guerre n'offre aucune façon de mourir qui soit humaine et acceptable. Mais l'utilisation des armes chimiques provoque une répugnance que le massacre des Kurdes irakiens a exacerbée.

Or, aujourd'hui, on redoute que Bachar al-Assad utilise de telles armes contre la population syrienne.

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Contrairement aux armes de destruction massive - finalement introuvables - dont disposait Saddam Hussein selon l'administration Bush, l'existence d'un arsenal chimique en Syrie est incontestable. Des experts de plusieurs pays en témoignent. Nouaf Fares, ancien ambassadeur syrien en Irak, l'a confirmé, tout comme le général Adnan Sello ainsi que le porte-parole des Affaires étrangères, Jihad Makdissi (les deux premiers ont fait défection; le statut de Makdissi est incertain). En outre, la Syrie est l'un des rares pays à n'avoir pas signé la Convention internationale sur l'interdiction des armes chimiques.

Cela étant, Bachar al-Assad peut-il vraiment se rendre à cette extrémité?

Selon les services de renseignement américain et britannique, il aurait fait enclencher le processus de mélange des composants du gaz sarin, conservés séparément par mesure de sécurité. Des diplomates russes ayant récemment eu accès au président syrien affirment que celui-ci se sent aujourd'hui coincé - ce qui est extrêmement dangereux - et ne pense plus qu'à sa propre survie. Au sein des forces rebelles, on croit le régime capable d'utiliser les gaz, en particulier dans les banlieues druzes et chrétiennes de Damas.

À l'opposé, les avertissements solennels (la «ligne rouge») servis à Bachar al-Assad par Barack Obama, l'ONU, l'OTAN et de nombreux pays occidentaux pourraient bel et bien avoir un effet dissuasif.

Sinon, que faire?

L'usage de la force par l'OTAN ou certains de ses pays membres, même sous la forme de frappes aériennes ciblées, serait meurtrier. Se boucher le nez et offrir une issue de secours à Bachar al-Assad serait immoral - le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a d'ailleurs indiqué qu'il s'y opposerait. S'en laver les mains et laisser les événements suivre leur cours serait à la fois meurtrier et immoral...

En 21 mois, le conflit a fait 40 000 morts. Si l'horreur chimique s'en mêle, il faudra alors déterminer où se trouve le moindre mal.