La course à la direction du Parti libéral du Canada (PLC) ne soulève pas l'enthousiasme des foules, mais ce n'est certainement pas faute d'efforts de ses organisateurs, qui multiplient les superlatifs ces jours-ci pour tenter de susciter l'intérêt des militants.

Mercredi dernier, journée du lancement officiel de la course à la direction, le PLC a publié un communiqué dans lequel on lisait notamment ceci:

«Aujourd'hui, nous entrons dans l'histoire. La course au leadership 2013 du PLC est officiellement lancée. Jusqu'au 14 avril 2013, vous serez au centre de la plus formidable course au leadership qu'un parti politique fédéral n'ait jamais connue au Canada. Une course où la décision la plus importante sera entre vos mains.»

Et on ajoutait:

«La personne que vous choisirez comme nouveau chef défendra les intérêts du Canada, un pays dans lequel nous avons foi - un Canada axé sur la prospérité, la justice sociale, la solidarité et le respect de l'environnement - et qui nous mènera sur le chemin de la victoire lors des élections fédérales en 2015.»

Hier, à Ottawa, le PLC a tenu un rassemblement pompeusement appelé «Fête du leadership de 2013», qui était, en fait, une activité de collecte de fonds.

Les militants étaient conviés au Château Laurier, «un des lieux historiques d'Ottawa, la veille de l'anniversaire de Wilfrid Laurier, à l'occasion d'une fête dans le cadre du leadership du PLC de 2013 pour célébrer l'avenir du PLC et notre passé légendaire», lit-on dans un autre communiqué du PLC.

«La plus formidable course», «victoire en 2015», «passé légendaire» et mémoire glorieuse de Laurier... Faute d'une grande visibilité, les libéraux compensent par un excès de jovialisme.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce feu d'artifice de superlatifs détonne avec la réalité de cette course à la direction, qui n'en est pas vraiment une pour le moment, et qui s'étirera encore pendant cinq mois.

À ce jour, seul Justin Trudeau est officiellement inscrit dans cette course, c'est-à-dire qu'il a versé au PLC les 75 000$ exigés pour se lancer. Parti avec une longueur d'avance, M. Trudeau aura bientôt une première rivale, l'ancienne députée de la région de Toronto Martha Hall Findlay.

Candidate malheureuse à la direction du PLC en 2006 (elle avait fini dernière), Mme Findlay vient tout juste, six ans plus tard, de rembourser ses dettes de campagne (115 000$). À peine libérée de ce boulet, Mme Findlay, qui a été battue aux élections de mai 2011, se relance dans l'aventure. Il lui faudra d'abord trouver les 75 000$ nécessaires au dépôt de sa candidature, puis amasser un fonds de guerre qui lui permettra de voyager partout au pays à la rencontre des militants libéraux - ce que Justin Trudeau fait déjà depuis plusieurs semaines.

L'argent se fait plus rare en politique ces années-ci, en particulier pour des partis éclaboussés par des scandales. Cela paraît impensable aujourd'hui, mais il y a près de 10 ans, les Allan Rock, John Manley, Brian Tobin et Sheila Copps avaient tous amassé autour de 1 million de dollars pour affronter Paul Martin dans une course qui n'a jamais eu lieu. Les temps ont bien changé.

Il est à souhaiter, toutefois, que d'autres candidats se lancent dans la course, sinon celle-ci sera longue et morne. Un long couronnement de Justin Trudeau, en quelque sorte.

D'autres candidats en vue? Dans le clan Trudeau, on pense encore que Marc Garneau se lancera et que la venue de Martin Cauchon est encore possible.

Faute de nouveaux candidats, les débats dans les prochains mois à Vancouver, Winnipeg, Toronto et Montréal risquent de tomber à plat, comme tout l'exercice qui doit être, selon le PLC, «la plus formidable course au leadership qu'un parti politique fédéral n'ait jamais connue au Canada».

Le PLQ

La course semble mieux lancée, plus intéressante, au Parti libéral du Québec (PLQ), qui choisira son nouveau chef en mars. D'abord, trois candidats de qualité s'affrontent (Raymond Bachand, Philippe Couillard et Pierre Moreau), qui comptent chacun sur des appuis et une organisation dignes de ce nom.

On ne peut pas dire, toutefois, que cette course soit vraiment enlevante, du moins pas pour le moment. Cela tient d'abord à la formule retenue (le vote par délégation au congrès de direction, ce qu'on appelle familièrement les slates), qui transforme une course en bataille d'organisation sur le terrain, circonscription par circonscription, le but étant de s'assurer de l'appui du plus grand nombre de délégations avant le congrès.

La formule «un membre, un vote» (retenue notamment par le PLC) ouvre le jeu davantage. En plus, le PLC permet pour la première fois le vote des «sympathisants», des citoyens inscrits, mais non membres du PLC, comme le Parti socialiste français l'a fait lors de ses primaires en 2011.

La prochaine semaine sera sans doute celle de Raymond Bachand, qui aura tout l'espace voulu pour critiquer le budget Marceau, mais cette course a besoin d'un survoltage pour se relancer et attirer l'attention de la population.

Il faudra attendre les débats, prévus à partir de janvier. Cette fois, le PLQ a un avantage certain sur le PLC. De vrais débats, nous en aurons assurément entre MM. Bachand, Couillard et Moreau.