Georges Laraque passe le flambeau. Mitraillé de critiques, coincé par plusieurs controverses, conscient qu'il n'a pas les compétences requises pour assumer le poste de premier directeur d'un syndicat, Laraque fera appel à un organisme national pour mener à terme son projet de syndicalisation des joueurs de la Ligue canadienne junior.

«Je n'abandonne pas la cause des jeunes. Je vais continuer à me battre pour une accession plus facile à une éducation de qualité une fois les carrières juniors complétées. Mais ça devient trop gros. Je ne suis pas en mesure d'assumer cette responsabilité et notre organisation est trop petite pour y arriver. On a besoin d'aide», a convenu Laraque, joint en fin de soirée hier en Nouvelle-Écosse.

À titre de premier directeur de l'Association des joueurs de la Ligue canadienne de hockey (AJLCH), Laraque devait assister au vote de syndicalisation des joueurs des Screaming Eagles du Cap-Breton, prévu aujourd'hui, tout juste avant le match les opposant aux Sea Dogs de St.John.

Le vote pourrait maintenant être annulé.

«Je ne sais pas ce qui arrivera, mais avec toute la polémique des derniers jours et les menaces lancées par les équipes, ce vote est perdu d'avance. Je devais rencontrer les joueurs cet après-midi pour les informer avant le vote. La rencontre n'a même pas eu lieu. Ça donne une idée de ce qui m'attendait demain [vendredi]», a convenu Laraque.

«Je suis en train de rédiger une lettre pour confirmer notre intention de réclamer de l'aide. Plusieurs des grands syndicats nous avaient approchés au début du projet. J'espère que l'un ou l'autre sera intéressé à prendre la relève.»

Message terni par l'image

Laraque sort de cette aventure bien plus écorché que lors des nombreux combats qu'il a livrés dans la Ligue nationale. Plusieurs adversaires ou simples observateurs ont imputé à sa soif d'argent, de pouvoir et de publicité son engagement dans ce projet.

«Je me fais cracher au visage depuis que je suis à la tête de ce mouvement. Non seulement je suis bénévole, comme tous les autres membres engagés dans le projet, mais j'ai injecté près de 10 000 $ de ma poche pour couvrir des frais de déplacement et d'hébergement. Si j'avais voulu faire de l'argent et maintenir ma popularité, j'aurais gardé mon job à TVA Sports. Ou j'aurais choisi de me présenter pour le NPD comme ils me l'ont offert aux dernières élections fédérales et non de m'associer bénévolement au Parti vert. Est-ce si difficile de croire que je fais ça pour la cause et rien d'autre?», m'avait lancé Laraque lors d'une conversation téléphonique fort animée survenue plus tôt après-midi hier.

La réponse à cette interrogation était oui. Elle l'est encore ce matin.

Pourquoi?

Parce que même si Laraque dit vrai, parce que même si sa cause est noble - personne ne peut s'objecter à une accession plus facile à une éducation de qualité et à une amélioration des conditions de travail ou de jeu selon que l'on considère ces jeunes hockeyeurs de 16 à 20 ans comme des travailleurs ou des amateurs - l'image que ses acolytes et lui projettent depuis le début de cette croisade ternit complètement le message.

Cette image de l'AJLCH soulève tellement de questions, de doutes et de soupçons qu'on a peine à comprendre que des avocats sérieux soient impliqués dans le dossier; que des joueurs, comme ceux du Phoenix de Sherbrooke, dans la LHJMQ, aient décidé de signer leur demande d'accréditation; que d'autres songent sérieusement à les imiter ou y songeaient puisque les derniers développements pourraient les faire changer d'idée.

Figure connue et appréciée du public, Laraque aurait pu remplir avec aplomb un rôle de porte-parole. Pas celui de directeur général.

«Je suis très conscient que je n'ai pas les qualifications pour faire ce job. Je ne le voulais pas non plus. Mais personne ne pouvait l'assumer. Les autres ont plus de responsabilités que moi. Des jobs qu'ils ne peuvent pas mettre de côté. J'ai donc plongé.»

Associés fantômes

L'inexpérience de Laraque n'était qu'un des nombreux problèmes. Le fait que ses associés dans cette aventure arboraient des allures de fantômes en était un autre. Sans compter que certains de ces fantômes usurpaient l'identité d'autres fantômes.

Derek Clarke, un des hauts gradés du projet, a été pris pour Randy Gumbley, ancien entraîneur ontarien accusé de fraude dans le passé. Laraque s'est lui-même rendu coupable de cette erreur en identifiant des personnes prises en photo. Erreur dont il s'est défendu sur toutes les tribunes hier.

«J'ai mêlé Randy Gumbley avec son frère Glenn, qui travaille avec nous. Ce sont deux «petits gros». Je les ai confondus sur la photo. Je n'ai jamais vu Randy Gumbley. Et comme je te l'avais dit au cours de la journée, j'aurais démissionné sur-le-champ si l'enquête de la Ligue canadienne de hockey avait prouvé qu'il occupait quelque rôle que ce soit avec nous», a réitéré Laraque en fin de soirée.

Derek Clarke existe. J'ai d'ailleurs parlé hier à ce représentant commercial qui vit et travaille à Montréal. Quel est son rôle dans le projet? Pourquoi milite-t-il en faveur de cette syndicalisation? Quels sont ses objectifs?

Ce n'était pas clair. Comme trop de choses autour de Laraque et des membres de l'équipe de l'AJLCH.

Est-ce que ce projet de syndicalisation meurt de sa belle mort? Un syndicat national prendra-t-il vraiment la relève?

Autant de questions dont les réponses viendront plus tard. Mais ce qui est clair ce matin - du moins, ce l'était encore tard hier -, c'est que Laraque passe un flambeau que ses bras meurtris n'arrivaient pas à tenir bien haut.