Il paraît qu'on ne peut plus appeler cela un «discours inaugural», mais plutôt un «discours d'ouverture», ce qui est tout de même cocasse vu la réaction outrée de l'opposition, qui jure sur ses grands dieux ne pouvoir voter pour le plan de match de Pauline Marois.

Comme à chaque début de session parlementaire, l'atmosphère est sursaturée de bons sentiments et de promesses de collaboration, des sentiments exacerbés en ce moment par l'élection d'un gouvernement minoritaire. Et comme d'habitude, chassez le naturel et il revient au galop.

On a très vite compris hier, avant même que Mme Marois ait fini de lire son discours inaugural - pardon, d'ouverture -, qu'il ne suffit pas que ces gens-là changent de côté à l'Assemblée nationale pour qu'ils se mettent à s'aimer plus.

À qui la faute? Au gouvernement, comme aux partis de l'opposition.

Au gouvernement, d'abord, qui dit vouloir collaborer, qui se dit ouvert aux propositions des partis de l'opposition, mais qui n'en a retenu aucune.

Pourquoi, par exemple, ne pas avoir considéré l'idée de la CAQ de plafonner les dépenses électorales (en fait, deux millionspar année quand il n'y a pas d'élections et quatre millionsles années d'élections)? Le PQ n'a pas le monopole de la vertu et la proposition de la CAQ mérite d'être débattue.

Par ailleurs, on peut bien reprocher aux libéraux leur bilan en matière d'éthique et relever les odeurs de scandales qui planent au-dessus de leur tête, reste qu'ils posent une bonne question en demandant pourquoi le gouvernement Marois veut policer les dons aux partis provinciaux, mais pas au niveau municipal.

Bref, si ces gens-là veulent vraiment s'entendre, minimalement, sur quelques sujets, ce ne sont pas les occasions qui manquent.

On a bien senti que la trêve parlementaire promise par les uns ou souhaitée par les autres était fragile, hier, lorsque Pauline Marois a lancé des petites pointes vers les libéraux. La première ministre les a accusés, notamment, d'avoir laissé une situation financière pire que prévu, d'avoir maquillé les chiffres sur le décrochage scolaire et d'avoir imposé «neuf ans de torpeur» au Québec sur la question nationale et les relations avec Ottawa. À chaque nouvelle accusation, la clameur montait d'un cran de l'autre côté du Salon bleu, ce qui était prévisible.

La réaction qui a suivi, aussi bien chez les libéraux qu'à la CAQ, a été totalement disproportionnée.

Les libéraux et la CAQ veulent vraiment défaire le gouvernement Marois (qui n'a pas encore deux mois) là-dessus? Personne ne serait plus heureux d'une telle folie que... Pauline Marois.

Allons donc, tout cela est du mauvais théâtre. Il est tout à fait possible que les libéraux et les caquistes votent contre, mais ils n'auront qu'à s'assurer de laisser suffisamment de députés à l'extérieur de l'Assemblée nationale pour ne pas défaire le gouvernement. Le truc est connu et il a été utilisé à Ottawa et Québec à plusieurs reprises contre des gouvernements minoritaires.

Cela dit, les partis de l'opposition déchirent leur chemise pour bien peu de choses. Mises à part quelques bravades de Mme Marois, le ton de son discours était posé, notamment ses appels à la collaboration, et les priorités énoncées sont directement inspirées du programme électoral qu'elle vient de défendre en campagne électorale.

Ce discours inaugural - oups, pardon, d'ouverture - adoucit même sérieusement le ton, laissant les promesses des filières identitaire et souverainiste de côté pour le moment, pour ramener tout en haut de la liste des priorités les questions d'intégrité et d'économie. Les libéraux et la CAQ s'opposent à ces priorités?

Rappelons, notamment, que le programme électoral du PQ prévoyait «instaurer une citoyenneté québécoise» et «doter le Québec d'une constitution et la faire adopter par l'Assemblée nationale, après une large consultation de la population», deux éléments disparus dans les brumes du gouvernement minoritaire. Idem pour les référendums d'initiative populaire.

Pour le reste, le PQ revient à ses vieilles habitudespour chaque problème ou dossier, son projet de loi, son agence, son bureau, son secrétariat, son plan, son comité d'action, sa politique nationale, son livre...

Ça, c'est dans l'ADN du PQ. Mais que les partis de l'opposition aiment ou non, c'est le PQ qui est au pouvoir et il serait suicidaire de le renverser maintenant.