Bell a officiellement demandé hier au gouvernement Harper d'émettre «des instructions obligeant le CRTC à suivre ses politiques existantes lorsqu'il examine des transactions liées à des changements de contrôle en radiodiffusion.» Selon l'entreprise, de telles instructions forceraient le Conseil à approuver l'acquisition d'Astral par Bell, transaction qu'il a rejetée d'un revers de main la semaine dernière.

Depuis l'annonce de jeudi, la haute direction de Bell fulmine contre le CRTC. Dans le communiqué de presse publié quelques heures après la publication de la décision, l'entreprise exprimait même des doutes sur «l'impartialité de l'ensemble du processus».

Le calcul des parts de marché dont aurait joui Bell-Astral est au coeur de la controverse. Dans sa politique sur les transferts de propriété adoptée en 2008, le CRTC avait fait savoir qu'il approuverait sans délai une transaction ne portant pas la concentration de l'auditoire à plus de 35%. À plus de 45%, une telle transaction serait interdite.

Selon Bell, le nouveau géant aurait obtenu 33% de l'écoute de la télévision dans le marché anglophone et 24% dans le marché francophone, en tenant compte de l'écoute des canaux américains. Aux yeux de BCE, il ne faisait aucun doute que la fusion Bell-Astral devait obtenir le feu vert.

Cependant, les commissaires ont choisi d'exclure l'écoute des diffuseurs américains du calcul des parts de marché. Par conséquent, le Conseil a estimé les parts d'écoute de Bell-Astral à 43% dans le marché de langue anglaise et 33% dans le marché de langue française. Pour le marché anglophone, on frôlait le seuil jugé inacceptable par l'organisme.

Bell accuse le CRTC d'avoir changé sa méthode de calcul des parts de marché. Le Conseil rétorque que celle-ci est conforme à ses «pratiques antérieures». Un examen des documents du Conseil ne permet pas de trancher. Cela dit, si la déception de Bell est compréhensible, l'entreprise commet une erreur en s'en prenant comme elle le fait à l'organisme réglementaire.

D'abord, tout indique que le gouvernement Harper ne peut ni ne veut intervenir dans le dossier. En choisissant de cogner à cette porte, Bell perd son temps. Si l'entreprise croit avoir été victime d'une erreur en droit - et c'est ce qui ressort du texte de sa requête au gouvernement - elle ferait mieux de soumettre l'affaire aux tribunaux. Sauf que ça aussi prendra du temps.

Ensuite, au lieu d'écouter les conseils de la colère, BCE devrait se demander comment elle peut modifier son projet - vente de certaines chaînes d'Astral, amélioration des avantages tangibles - afin de satisfaire aux exigences du CRTC. En persistant dans son attitude actuelle, Bell risque malheureusement de confirmer la réputation d'arrogance que ses concurrents ont voulu lui faire.